Donnat, un frein d’une puissance incomparable pour arrêter les progrès du socialisme municipal et du socialisme d’État. Cela vient d’être confirmé d’une façon éclatante. Le peuple suisse a rejeté tout récemment, par 340 000 voix contre 145 000, la loi importante votée par les deux conseils de l’assemblée fédérale, qui instituait l’assurance obligatoire contre la maladie et les accidens, ainsi que l’assurance des citoyens appelés au service militaire. Ainsi le peuple, à une énorme majorité, repousse l’œuvre législative élaborée par ses élus et acceptée par eux presque à l’unanimité, sans que pour cela ceux-ci perdent sa confiance. Mais il leur signifie que, sur cette question de protection ouvrière, en apparence si populaire, le peuple ne pense pas comme eux et n’accepte pas leur solution. Et ce n’est pas la première fois que se manifeste cette opposition radicale entre le peuple et ses mandataires, qui se donnent pour les représentans authentiques de ses aspirations, et les exécuteurs de ses volontés.
L’Angleterre est la vraie patrie du socialisme municipal. Le champ d’action des municipalités y est plus étendu que partout ailleurs. Autrefois, les communes anglaises étaient entre les mains de corporations formées par un petit groupe de propriétaires. Mais ces corps usés révélèrent leur impuissance, en face de l’accroissement des grandes villes. Les maisons de Londres, par exemple, se sont élevées, en ce siècle, de 142 000 à 600 000. Les corporations furent atteintes par la loi de 1835. Le municipal corporation act de 1882 permet aux municipalités de faire tous les règlemens nécessaires pour la bonne administration. C’est une loi de self government municipal. Londres fut ensuite érigé en Comté spécial, bien que la corporation de la Cité restât indépendante. Depuis l’acceptation de la loi d’administration locale de 1888, les communes en Angleterre sont entrées dans une nouvelle phase démocratique et se sont engagées si avant dans les voies du socialisme municipal, qu’elles en fournissent le modèle.
Le Parlement anglais est encore peu infecté de socialisme, bien qu’il ait commis beaucoup d’hérésies contre l’économie politique orthodoxe et l’évangile de Manchester. Mais les municipalités, par suite du suffrage démocratique et de l’accroissement et de l’influence des masses ouvrières, ont été conduites à sortir de la vieille ornière. Obligées de tenir compte des revendications des classes pauvres et de subvenir à leurs besoins, il leur fallait