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espérances du cardinal de Lavigerie. Elle rédigea en cent articles ce qu’on pourrait appeler le « Code noir du xixe siècle, » destiné à extirper radicalement la traite et à préparer l’émancipation graduelle des « captifs de case. » Elle examina la question sous les aspects suivans, auxquels correspondent les chapitres de l’acte général : 1o pays de traite ou d’origine des captifs ; 2o routes des caravanes et transport des esclaves parterre ; 3o traite par mer ; 4o pays de destination des esclaves ; 5o institutions destinées à assurer l’exécution de l’Acte de Bruxelles ; 6o mesures restrictives du trafic des spiritueux.

Nous reviendrons plus loin sur les mesures préconisées par la Conférence pour tarir la source de la traite, barrer les routes et remédier aux progrès de l’alcoolisme. Mais il faut signaler tout de suite les articles les plus importans : les puissances signataires de l’Acte de Bruxelles étaient d’accord pour prendre des mesures efficaces, afin d’empêcher le transport des esclaves sur des bâtimens qui usurperaient leur pavillon. Par égard pour les traditions de la marine française, très jalouse de son indépendance, on limita le droit de visite aux navires de moins de 500 tonneaux (art. XXIII) et à la zone comprise entre les côtes de l’Océan indien, depuis le Beloutchistan jusqu’à la côte de Quilimane et une ligne suivant le méridien du Cap depuis le 26e degré de latitude Sud et contournant Madagascar (art. XXI)[1]. Les souverains dont les possessions comportaient l’esclavage domestique et servaient de lieux de destination aux noirs, par exemple l’empereur des Ottomans, le schah de Perse, s’engageaient à prohiber sur leur territoire l’importation, le transit, la sortie et tout commerce d’esclaves (art. LXII). On instituait à Zanzibar un bureau international, chargé de surveiller et de poursuivre la répression des faits de traite et d’envoyer les documens à Bruxelles qui les publierait chaque année (art. LXXIV à LXXX). On recommandait enfin les institutions les plus utiles pour la protection des esclaves libérés (art. LXXXVI à LXXXIX).

À peine Mgr Lavigerie eut-il reçu le texte officiel de l’Acte international, qui consacrait ses revendications, qu’il convoqua à Paris le Congrès libre des sociétés anti-esclavagistes, qui n’avait pu se réunir à Lucerne. Il se tint en effet dans notre capitale le 21 septembre 1890, sous la présidence de M. Keller, il était com-

  1. Voyez l’étude de M. Arthur Desjardins sur la France, l’esclavage et le droit de visite dans la Revue des Deux Mondes, du 15 octobre 1891.