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vage. On accorda un peu plus tard[1] une indemnité aux planteurs dont les esclaves avaient été affranchis. Ces lois conféraient aux noirs affranchis la qualité de citoyens français.

Louis Bonaparte, devenu empereur, sous le titre de Napoléon III, n’osa pas suivre en cette matière les funestes erremens de son oncle ; il promit solennellement que l’esclavage ne serait pas rétabli (art. Ier du Sénatus-Consulte du 3 mai 1854). L’initiative prise par l’Angleterre et la France fut suivie par les Pays-Bas (1860), le Portugal (1856-1867), les États-Unis, après une guerre civile qui faillit amener la dislocation de l’Union (1864-67), et enfin par le Brésil (1884 ;.

Cependant, tant qu’il restait des pays à esclaves comme les colonies espagnoles, Cuba, et les États musulmans (Maroc, Tripoli, Égypte, Turquie d’Europe et d’Asie, Perse) il était à craindre que la traite continuât en Afrique, ce grand réservoir d’hommes pouvant seul satisfaire à la demande de « travailleurs forcés. » En effet, les explorateurs et les gouverneurs des colonies françaises ne tardèrent pas à confirmer ces craintes. Le général Faidherbe fut un des premiers à donner l’alarme. Après avoir distingué nettement l’esclavage domestique de la captivité, il disait : « C’est par la guerre que se perpétue l’esclavage de traite ; sans la guerre, l’esclavage domestique, à force de s’adoucir, disparaîtrait d’Afrique, comme il a disparu des autres parties du monde. » Après lui, ce fut la voix de Livingstone qui eut le plus de retentissement. Ce dernier écrivait vers 1856-57, à propos du commerce des esclaves à Zanzibar : « Il passe 1 9 000 esclaves par an à la douane de Zanzibar. Si la moitié de ces horreurs pouvait être connue, l’indignation et la pitié qu’elles éveilleraient seraient telles que ce trafic infernal disparaîtrait bientôt, quelque sacrifice qu’il dût en coûter pour l’anéantir. » Les métis portugais se montraient, d’après son témoignage, plus cruels encore que les marchands arabes dans la pratique de la traite.

M. Mage, alors lieutenant de vaisseau, pendant un voyage de trois ans (1864-1867) dans la région comprise entre Médine (Haut-Sénégal) et Ségou (Haut-Niger), fut témoin des atrocités de la traite. Après avoir décrit les souffrances endurées par les femmes et enfans dans les convois d’esclaves, qui ont parfois 400 à 500 lieues à franchir à pied, il disait : « Dans les guerres,

  1. Lois du 19 janvier et 30 avril 1849, du 30 juillet 1850.