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harems. D’ailleurs il faut à un chef, à défaut de revenus ou de contribution régulière de ses sujets et vassaux, une masse d’esclaves ; ils lui servent de monnaie de réserve, au moyen de laquelle il se procure, suivant les cas, des chevaux, des armes et des munitions de guerre. Dans le Mossi, une belle monture vaut quatre à cinq esclaves ; pendant les guerres contre Samory et Tieba, les chevaux se payaient de 10 à 24 captifs[1].

On a coutume de ranger l’Islamisme au premier rang des causes qui entretiennent l’esclavage. Cela est peut-être vrai pour les femmes, puisque le Coran consacre la polygamie, s’il ne l’a pas inventée. Mais on oublie que cette même loi de Mahomet n’admet pas la réduction en esclavage d’adorateurs d’Allah. Aussi les marchands arabes n’avaient-ils aucun souci de convertir les malheureux noirs, dont ils faisaient le trafic ; sans quoi leur devoir de bon musulman les eût obligés de les traiter en frères. En revanche, les « vrais croyans, » chaque fois qu’un esclave mâle entre à leur service, commencent par lui faire faire des ablutions et puis le mènent à la mosquée ou à ce qui en tient lieu, pour lui apprendre à prier Allah. Au bout de quelques mois, l’esclave est converti et sa situation devient celle d’un « captif de case. » Mais il en est des musulmans comme des chrétiens : beaucoup observent mal les préceptes de leur livre saint, ceux-ci maltraitent leurs esclaves et ne font rien pour améliorer leur sort. S’ils se conformaient au Coran, ce ne serait pas un paradoxe d’avancer que « l’Islam constituerait l’agent le plus puissant et le plus prompt pour la suppression de l’esclavage. »

Voyons maintenant les formes que revêt la burxitude dans nos colonies ou les régions du Hinterland[2], soumises à notre influence. Commençons par l’Afrique. Si l’esclavage a été aboli de droit en Algérie (1830), il existe en fait chez les tribus nomades et dans les oasis au sud du Maroc et d’Algérie. Ainsi les Beni-Mzab et les Beni-Isguen reçoivent chaque année 2 à 3 000 esclaves nègres amenés soit par les Arabes de Tidi-Kelt, soit par ceux du Touat ou du Tafilet, qui les ont achetés au Soudan.

Chez les Wolofs voisins de notre colonie du Sénégal et chez les Wolofs du Fouta-Djallon, la traite des captifs se faisait couramment. Il a fallu prendre des mesures énergiques pour sup-

  1. Voyez Binger, Esclavage, islamisme et christianisme. Paris, 1891.
  2. On appelle ainsi les régions de l’intérieur qui sont en arrière des possessions européennes sur les côtes de l’Afrique.