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où Pascal n’est point en Dieu même, il ne doute pas : — il nie.

« Il faut à Pascal une certitude. Et il me la faut comme à lui. À défaut de ce qui est certain, je ne vois point le doute, mais le vide. Ce qui n’est pas — n’est point. Je ne le nomme pas ce qui peut être. Je préfère une certitude horrible, faite d’abîmes et de négations, à vos demi-vérités, toutes faites d’affirmations contraires, qui se détruisent et qui ne sont que des doutes honteux, ou si médiocres qu’ils ne se savent même pas douteux.

« Pascal pénitent et extrême, qui nie dans la mesure exacte où il affirme, violent contre le doute, passionné pour la foi, — c’est lui seul qui est vrai, raisonnable et prudent ; et non pas vous, qui louvoyez entre rien et tout, qui ne savez donc ce que c’est que tout ni rien, et qui perdez tout pour ne rien perdre.

« Vous tremblez de vous connaître ; et sans doute non sans raison. C’est pourquoi vous vivez de moyens termes. Comme s’il y avait un terme moyen entre être et ne pas être ; comme si une demi-vie, une demi-mort, une demi-vérité pouvaient avoir le moindre sens ! N’y eût-il pas de vérité, nous sommes bien obligés de faire comme s’il en était une, et de toute évidence. Et comme si vous ne montriez pas que vous n’êtes vous-mêmes que des demi-riens, pour que cette médiocrité infinie puisse vous suffire ?

« Il en faut un peu plus à Pascal : rien de moins que cette vérité pleine. Et d’abord, sans la certitude, il ne peut vivre. L’homme qui vit dans l’incertitude lui semble absurde, et un prodige décevant, s’il s’y plaît. L’état où il trouve Montaigne le remplit d’étonnement, et lui fait peur. Il voit bien la force de cet esprit ; mais il soupçonne la faiblesse de ce cœur ; et la vue de ce contraste le porte au mépris ; puis, une trop grande âme est lourde à subir, parfois : à de certaines rencontres, il me semble que Pascal accable Montaigne parce que, peut-être, il l’envie. Ce sont ses momens de faiblesse cachée, et ses soupirs à la vie.

« Enfin, il n’y a rien entre le néant et Dieu, — entre l’une et l’autre foi : rien où l’on puisse se tenir, aucun lieu pour l’homme ni pour la vie. Sans la foi, on ne peut vivre ; et c’est en Pascal qu’on l’éprouve le mieux, comme en l’âme la plus puissante et la plus en souci d’infinité qu’il y ait eu. La foi est la vérité sentie par le cœur, et vivante pour lui. Pascal ne la trouve, et ne la peut concevoir qu’en Jésus-Christ : c’est Jésus-Christ qui est la preuve de Dieu ; ce n’est pas Dieu qui prouve Jésus-Christ ; Dieu est à toutes fins : qu’il soit, si l’on veut, le nom de la vérité sensible au