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se renouveler coup sur coup, d’abord dans l’élection de la commission du budget, ensuite dans celle de la commission d’amnistie : deux expériences qui se confirment l’une par l’autre.

Un nouveau budget ayant été déposé, il a fallu élire une nouvelle commission. L’ancienne appartenait en majorité aux radicaux ; elle était présidée par M. Mesureur ; elle avait pour rapporteur général M. Camille Pelletan. La nouvelle a pour président M. Georges Cochery et pour rapporteur général M. Guillain. C’est tout dire, et on ne saurait se moins ressembler. Il y a eu là une violente explosion de mauvaise humeur antiministérielle, — mauvaise humeur qui tenait à des causes nombreuses, lointaines, tenaces, mais aussi à une circonstance accidentelle que le gouvernement avait eu l’imprudence de provoquer. Depuis plus de deux ans, le Sénat est saisi d’un projet de loi sur les successions, projet excellent en ce que, dans la supputation de la matière imposable, il défalque un certain nombre de dettes, mais détestable en ce qu’il soumet le reste, c’est-à-dire l’actif, à une taxe progressive. Trouvant que le projet ne marchait pas assez vite au Sénat, M. le ministre des Finances a fait signer à M. le Président de la République un décret qui le retirait. Le retirait-il définitivement ? Non, personne ne l’a cru. Le projet devait être tout simplement incorporé au budget. Quand une loi rencontre des résistances parlementaires un peu trop fortes, et qui menacent de l’empêcher d’aboutir, on l’intercale dans le budget. Celui-ci opère alors comme un remorqueur puissant qui, par sa masse, entraine avec lui tout ce qu’on lui confie, et c’est ainsi qu’on a fait un certain nombre de réformes après l’examen le plus sommaire, quelquefois même sans examen du tout. Nous ignorons ce que le Sénat pensera du procédé très cavalier dont le gouvernement a usé à son égard ; il n’a pas encore laissé percer son sentiment ; mais la Chambre a manifesté le sien par l’élection de sa commission du budget. Le vote a été d’une clarté parfaite. La majorité des commissaires élus s’est prononcée pour ce qu’on appelle en langage parlementaire la disjonction. La disjonction est le contraire de l’incorporation : elle signifie que la réforme successorale doit être maintenue, ou plutôt remise en dehors du budget.

Après avoir élu sa commission du budget, la Chambre a eu à élire une commission d’amnistie. Elle a procédé suivant le même esprit, et nommé une commission en majorité défavorable au projet du gouvernement, sans tenir compte du vote du Sénat qui l’avait sanctionné. Cela veut-il dire que, lorsque la question successorale d’une