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site suédoise de Lund, la correspondance amoureuse de Sophie-Dorothée et de Kœnigsmarck ait attendu plus d’un demi-siècle que quelqu’un prît la peine de la lire et de la publier.

Voici ce que disait de cette correspondance Henry Blaze, dans une note de son article sur le Dernier des Kœnigsmarck :


La correspondance entre Sophie-Dorothée et Kœnigsmarck, récemment découverte par le docteur Palmblad, se trouve aujourd’hui dans les archives de la bibliothèque de La Gardie à Lœberod, en Suède, où la déposa vers 1810 une petite-nièce de la propre sœur de Philippe de Kœnigsmarck. Celle-ci, en remettant à ses enfans ces lettres, leur avait dit que « c’était là un dépôt précieux et de conséquence, car ces lettres avaient coûté la vie à son frère et la liberté à la mère d’un roi. » Cette curieuse correspondance formerait à elle seule un gros volume. Les lettres de la princesse se distinguent par l’élégance de l’écriture et la correction de l’orthographe, luxe assez rare en ce temps, même en France, et dont on ne saurait trop tenir compte chez une étrangère. Au reste, aucune espèce de date, nulle indication du mois, du quantième, du lieu. Il ne faudrait rien moins que la patience d’un éplucheur de chartes pour débrouiller ce chaos chronologique. La chose cependant en vaudrait la peine, car une classification exacte, une traduction nette et claire de ces papiers, dont la plupart sont en chiffres, amèneraient, je n’en doute pas, mainte révélation intéressante pour l’histoire de cette époque.


Que Blaze n’ait pas eu « la patience d’un éplucheur de chartes, » c’est de quoi personne ne saurait lui faire un grief. Mais cette patience paraît avoir également manqué au docteur Palmblad, l’auteur suédois dont il se bornait à analyser l’énorme ouvrage sut Aurore de Kœnigsmarck, et qu’il louait comme un « écrivain d’une érudition anecdotique abondante, habile surtout à feuilleter les papiers de famille. » Admis à « feuilleter » les lettres de la princesse de Hanovre et de son amant, ce Palmblad a pris avec elles les libertés les plus étonnantes : sans essayer de les classer ni de les déchiffrer, il en a extrait au hasard quelques phrases qu’il a réunies bout à bout, en y joignant même parfois des phrases de son invention.

Et bien que ses extraits de la correspondance tiennent à peine six ou sept pages, il y a accumulé tant d’erreurs, que les érudits allemands se sont mis d’accord pour déclarer que les lettres « découvertes » par lui étaient évidemment apocryphes. Cinquante ans, elles ont dormi dans un carton de la bibliothèque de Lund, sans que personne daignât jeter les yeux sur elles.

Ces lettres sont cependant d’une parfaite authenticité. Leur contenu l’attesterait assez, à défaut d’autres preuves : car on y trouve à chaque ligne un naturel, une absence de scrupules littéraires, une préoccupation