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de la poitrine, c’est apparemment parce qu’elle est la fille d’un phtisique. Et nous ne voyons pas quelle est dans cette mort la part de responsabilité du féminisme. M. Prévost a décrit avec complaisance le séjour de Léa à l’hôpital, avec plus de complaisance encore l’agonie de ses dernières semaines, et il s’y est étendu avec tant de détails que nous en arrivons à souhaiter la mort de la pauvre fille, parce que nous savons que c’est le seul moyen pour que M. Prévost termine son livre. Il en arrive à nous rendre méchans. Nous devenons cruels à force d’impatience. Car sans doute cette poésie de la maladie fut goûtée jadis, au temps de Millevoye, ou peut-être encore à celui de Mürger. Mais comme ce temps-là semble loin de nous !

Le roman de la jeune poitrinaire nous avait jetés en pleine sensiblerie ; nous devons à celui de Geneviève Soubize de passer par les émotions dont est si friand le public de la Cour d’assises. Geneviève est hystérique. Elle a envie de tuer quelqu’un. C’est son idée. Elle s’arme d’un bistouri et sort afin de mettre son projet à exécution. Elle s’est d’abord mal adressée, frappant gauchement un solide gaillard qui l’a désarmée et violée. C’est à recommencer. Geneviève recommence au coin d’une rue, et cette fois obtient un plein succès. Elle étend son homme à terre : après quoi elle se laisse bien volontiers emmener en prison. Enquête, perquisition, visites à la détenue et aux juges. C’est ici l’occasion d’une scène d’un ragoût tout particulier. M. d’Ubzac, l’ancien amant de Christine, ayant fait une belle carrière dans la politique et la magistrature, Frédérique songe à obtenir sa protection pour la malheureuse hystérique et va le trouver à son cabinet en solliciteuse. Voilà donc, dans le sanctuaire même de la justice, la jeune fille pauvre en présence de l’homme riche et puissant qui lui a donné la vie et l’a ensuite abandonnée, l’orpheline en face du respectable séducteur de sa mère. Au moins cela ne se voit pas tous les jours, et une telle situation est bien faite pour étreindre les cœurs des personnes qui s’assemblent à l’Ambigu. — Faut-il maintenant conter par le menu l’histoire de Duyvecke Hespel, Flamande ? Elle épouse un ouvrier sculpteur, Rémineau, veuf avec un enfant. Elle est bientôt enceinte et, vu son excellente constitution, il y a tout lieu d’espérer que les choses se passeront normalement. Est-il nécessaire de résumer les autres romans réunis sous cette même couverture ? Ce que nous avons dit des principaux montre assez que ces romans ne valent pas par eux-mêmes et qu’il n’en faut pas chercher le mérite dans l’invention de la fable, trop peu différente de celles qu’on trouve depuis longtemps dans la circulation, et qui sont tombées dans le domaine public.