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ration introduisit dans le mélange des couleurs avec l’huile.

Il est impossible, on le sait à d’attribuer l’invention invention proprement dite de la couleur à l’huile aux frères Van Eyck. Le moine Théophile, un auteur souvent cité du XIIe siècle, donne des formules très explicites pour le mélange des couleurs de toute espèce avec l’huile de lin. Mais la matière ainsi obtenue séchait difficilement. On ne pouvait étendre une seconde couche de couleurs qu’après la dessiccation complète de la première. Les ennuis de ce travail étaient multiples, insurmontables. Aussi, malgré les recettes de Théophile voyons-nous sans étonnement Giotto, Alesso Baldovinetti, Pesello et d’autres artistes italiens s’intéresser sans cesse à l’amélioration de la technique picturale. Vasari, historien crédule, toujours prêt à enregistrer les propos d’atelier et à les embellir, nous montre les peintres de toute nationalité : Italiens, Français, Espagnols, Allemands, rassemblés en des sortes de conférences scientifiques et cherchant infructueusement le secret des couleurs résistantes. Faute de mieux, tous les tableaux d’autel étaient peints à la détrempe, et l’on a tout lieu de croire que les Van Eyck eux-mêmes utilisaient ce procédé au début de leur carrière. Mais les couleurs mélangées avec de l’eau, de la gomme ou du blanc d’œuf restaient pâles, mates, et ne permettaient pour ainsi dire que l’usage des tons plats et unis. Les peintres cherchaient toujours…

Ils paraissent avoir obtenu un premier succès vers la fin du XIVe siècle. À partir de ce moment en effet les mentions des portraits à l’huile se multiplient en Angleterre, en Italie ; on croit avoir également la preuve que les maîtres de Cologne antérieurs aux Van Eyck broyaient également leurs couleurs avec de l’huile, et qu’avant l’année 1400, l’église des Franciscains de Louvain possédait des peintures exécutées avec le nouveau procédé.

Mais fait absolument digne de remarque et insuffisamment mis en lumière jusqu’à présent : ce sont les artistes désignés sous le nom d’enlumineurs de statues qui, d’après les archives et documens anciens font l’usage le plus fréquent de ces couleurs à l’huile. Dès l’année 1341 le sculpteur Wuillaume du Gardin peignit de la sorte les figures tombales dont il était l’auteur. Le procédé que l’on employait pour la polychromie sculpturale et architecturale devait être assez perfectionné du temps de Van Eyck puisqu’on l’employait depuis près d’un siècle. Dans un pays comme la Flandre, au climat humide et variable, les peintres de