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M. Balfour, l’homme d’Etat anglais, appelait l’autre jour la plus grande invention du siècle, et l’automobile, qui vont précipiter encore la révolution ? Il n’y a eu pendant longtemps que les fleuves que l’on pût comparer à des routes qui marchent ; aujourd’hui, les routes qui marchent sont une réalité, et de moins en moins le piéton résistera à la tentation de se servir des facilités nouvelles mises à sa portée. Aussi assistons-nous à un perpétuel échange de rapports entre les localités de quelque importance et les districts ruraux. Tel village éloigné ressemble même, à certains jours, le dimanche par exemple, à un coin de banlieue. Le campagnard ne se sent plus enfermé dans un monde à part. Il coudoie les citadins, et, pour peu qu’il le désire, les occasions de devenir lui-même un citadin ne lui manqueront pas.

Une quatrième cause de la perturbation actuelle, c’est l’avènement du machinisme moderne ou de la science appliquée. Les hommes de génie qui surent faire de la vapeur une force mise au service de l’homme, ne se doutaient certainement pas de tout ce qui devait en sortir un jour. Ce qui en est sorti, c’est l’industrialisme et ses merveilles. Grâce à la machine à vapeur, les arts utiles ont centuplé leurs forces, produit à des prix réduits et, par là, mis à la portée des couches sociales les plus déshéritées les richesses qu’ils jettent sur le marché. A la fabrique d’autrefois, à l’atelier de dimensions restreintes, a succédé l’immense caravansérail industriel. On a vu se former ces armées d’ouvriers des deux sexes travaillant sous une discipline quasi militaire, et parfois ces autres armées composées d’enfans encore dans l’âge de croissance et qui apportent aussi leur tribut d’efforts, car, dans la production moderne, l’être humain lui-même ressemble à une machine vivante, nécessaire au fonctionnement de la machine de fer, et peut être utilisé de très bonne heure. Et voici que, depuis quelques années, l’électricité, un autre agent moteur, qui est aussi un pouvoir éclairant et calorifique, est apparue, opérant des choses extraordinaires. Déjà de nombreuses industries ne marchent que par elle. Elle actionne les tramways, en attendant de faire mouvoir les trains ordinaires des chemins de fer ; elle illumine nos places publiques et nos demeures ; et demain elle viendra en aide à la houille et au gaz industriel, pour le chauffage et pour la cuisine.

Mais quel est le résultat de cet énorme essor industriel, qui fait couler des Pactoles d’or et peut procurer l’abondance aux