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cours, l’un sur les rapports mutuels de l’Art et de la philosophie, l’autre sur Richard Wagner[1]. Sa première leçon, sur ce dernier sujet, du 27 octobre 1881, fut certainement la première occasion où le nom du maître de Bayreuth fut mentionné dans une chaire universitaire. Mais il était impossible qu’un homme de la trempe de Stein réussit dans un tel milieu ; ses collègues le détestaient, le persécutaient comme disciple de Dühring et de Wagner ; les étudians, ignorant sa valeur, laissaient vide la salle où il donnait ses cours. Il finit donc par obtenir de son père l’autorisation de se transporter à Berlin, où, d’ailleurs, on lui fit encore plus de difficultés qu’à Halle, et où il lui fallut plus d’un an pour forcer les portes de l’université. Un de ses plus beaux travaux, son Essai sur les rapports entre le langage et la philosophie fut refusé dans deux versions, qu’heureusement nous possédons toutes deux, et il lui fallut choisir un thème plus « académique ; » enfin, le 24 juillet 1884, son travail sur les Rapports entre Boileau et Descartes fut reçu comme « suffisant, » et Stein put, dès le 29 juillet, commencer son enseignement par une conférence sur la Doctrine des Idées selon Schopenhauer. Pendant les trois années qui lui restaient à vivre, il fit, chaque semestre, deux cours, l’un public, l’autre d’un caractère plus strictement scientifique (privatissimum) destiné aux seuls étudians en philosophie. Les cours d’un Privat-Docent ne sont pas obligatoires, le talent seul du professeur peut y attirer et y retenir les auditeurs. Stein n’en eut qu’une douzaine au début de son premier cours public sur les Doctrines esthétiques de Lessing et leur genèse historique ; mais dès la deuxième année, leur nombre alla en augmentant, et à son cours sur l’Esthétique des poètes classiques de l’Allemagne, plus spécialement de Gœthe et de Schiller, on se tenait debout sur les marches de l’amphithéâtre, tant celui-ci regorgeait de monde. Son enseignement spécial, en revanche, était sans doute très ardu, car les étudians y étaient très rares.

Mais pour obtenir le titre de professeur ordinaire, les succès de la chaire ne suffisent pas. Il faut encore se faire connaître par des ouvrages qui aient un certain retentissement dans le monde savant. Sur le conseil d’un des plus fidèles et des plus éminens de ses amis, le professeur Dilthey, Stein entreprit un ouvrage consi-

  1. Ni son Journal, ni ses lettres ne donnant de détails sur ce cours, je ne sais s’il traitait de Wagner en général, de son théâtre, ou de ses écrlts.