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cristallisation du milieu ambiant. Et sans doute le protestantisme allemand a connu des temps d’arrêt, mais on ne saurait nier que, dans le monde de la pensée, un nouveau et profond mouvement de réforme morale se soit produit, et cela dès le milieu du siècle passé, avec les idées des poètes et les doctrines des philosophes. Ce mouvement, qu’il serait à mon avis impossible de nier, est bien religieux, au sens large du mot, puisqu’il est moral et social ; c’est comme la lueur d’un flambeau qui luit plus brillant à chaque étape, dans cette série qui commence avec Wieland et se continue avec Herder, Schiller, Goethe, Kant et Schopenhauer, pour jeter une flamme nouvelle dans la vie et dans les écrits de Richard Wagner. C’est donc comme protestant qu’il faut juger Stein et le comprendre. Dans les premières pages de son Journal, écrites en décembre 1872, il ne parle que de religion, il rêve déjà de réformes à introduire dans l’église à laquelle il appartient, et dont il se dispose à devenir ministre. Son admiration pour Luther est extrême, mais il trouve ses dogmes trop étroits. « La gloire de Luther, dit-il, c’est d’être remonté à la source, à l’Écriture, mais il nous faudrait un nouveau Luther, qui, au travers de toutes les traditions, même de la tradition apostolique, déjà limitée par des questions de temps et de milieu, nous ramenât à la pure et divine parole du Christ ; celle-là seule est absolue et éternelle. »

J’ai cru devoir insister sur ces traits divers, qui constituent, en quelque sorte, la charpente de cette forte individualité : ceux-là seuls sont essentiels. Je ne m’étendrai donc pas sur les détails biographiques de l’enfance de Stein, sur laquelle, d’ailleurs, je ne possède que peu de renseignemens. Ce que j’ai dit de sa famille suffit. Après de solides études préparatoires dans les lycées de Merseburg et de Halle, Stein fut immatriculé comme étudiant en théologie à l’Université de Heidelberg, en 1874, à l’âge de dix-sept ans. On prétend que l’historien Buckle lisait trois volumes par jour : Stein semble avoir été aussi insatiable ; la liste mensuelle de ses lectures, pendant ses dernières années de collège, fait frémir. Elle embrasse tout, de Sophocle et de Platon jusqu’au dernier roman de M. Heyse, sans oublier les œuvres théologiques des Dœllinger et des Haase. Ses essais poétiques abondent, il va jusqu’à écrire des vers grecs. Mais voici un trait plus typique encore : pour mettre un peu d’ordre dans l’innombrable multitude des poésies qu’il a absorbées, Stein se con-