Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/837

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est la qualité indmduelle de l’âme, » disait Stein lui-même dans son ouvrage principal : les Origines de l’Esthétique moderne. Et comme quelqu’un lui demandait un jour s’il était, lui aussi, un disciple de Schopenhauer : « Ce grand homme, répondait-il, a peu profité à ceux qui prétendent le plus bruyamment se réclamer de lui. Quant à moi, je suis d’avis que le bénéfice qui résulte pour nous de son commerce, c’est moins la formule d’un théorème, — celle-là, nous la laissons aux schopenhaueriens, — qu’un puissant soulèvement de l’esprit qui laisse, après lui, certaines impressions aussi claires que vivantes, et d’un retentissement indéfini. Je crois que ce qu’il y a d’excellent et de vrai dans Schopenhauer se révèle à nous surtout si, nous détournant de son texte, nous cherchons à oublier, dans la mesure du possible, les expressions spéciales dont il s’est servi. Alors nous apparaît dans toute la majesté de son ensemble la pensée du maître, alors elle agit sur nous comme quelque grand poème, comme un chant d’Homère par exemple. » Voilà ce que Stein demandait à l’œuvre des philosophes ; et aucune citation ne saurait faire mieux pressentir le caractère général de son œuTe philosophique.

I


Heinrich von Stein était né le 12 février 1837 à Cobourg, d’une famille noble fort ancienne, originaire de la Franconie, et qui y possède encore aujourd’hui, au pied des montagnes du Rhoën, des terres patrimoniales lui appartenant depuis le XIIe siècle. Ce pays, comme à cheval sur la Bavière, la Thuringe et la Hesse, constitue le centre à peu près mathématique de l’Allemagne ; ses nobles sont des Francs de race pure. La mère de Stein, née baronne von der Tann, sœur du célèbre général de l’armée bavaroise, était de même race et de même noblesse que son mari. C’est là un premier point à noter. Dans un siècle démocratique, un titre nobiliaire peut sembler de mince importance ; mais dans un siècle de science, il serait téméraire de nier l’influence de l’hérédité. Pareillement Novalis, que j’aurai mainte fois l’occasion de rapprocher de Stein, était un descendant de la famille princière des Hardenberg. Aussi loin que remontent les chroniques, nous trouvons les Stein chevaliers au service des princes de Henneberg, souvent châtelains de la place forte de Würzbourg. Dans le cours des âges, ils furent créés chevaliers du saint empire,