Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/833

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

part écartées ou réduites à des proportions acceptables[1]. De même pour les immenses concessions consenties avant 1895 par le gouvernement malgache, et qui risquaient, si elles eussent été consolidées, de soustraire la majeure partie de l’île à la colonisation : révisées l’une après l’autre[2], les unes furent frappées de déchéance pour inexécution des conditions stipulées à l’origine, les autres restreintes de manière à ne point gêner le développement économique de l’île. Une première loi sur les ventes et locations de terres aux colons, conçue dans des conditions trop restrictives sous le gouvernement de M. Laroche, fut élargie, et le décret initial du 17 juillet 1896 sur le régime des mines d’or amélioré dans plusieurs de ses détails.

Ainsi s’ouvrait peu à peu la grande île à la colonisation ; elle retenait même un nombre déjà appréciable de ceux qui l’avaient connue par hasard, des sous-officiers, des soldats, parvenus au terme de leur service, demandant à s’y fixer et à y attirer leurs familles. Et le général Gallieni s’attachait à cette œuvre avec une passion au moins égale à celle qu’il avait déployée dans sa tâche de pacificateur. « L’immobilisme et l’uniformité, écrivait-il dans la dernière lettre privée[3] que reçut de lui le ministre d’alors, sont, suivant moi, les grands défauts de notre système colonial français. Par exemple, à Madagascar, le Hova policé, intelligent et avide de se hausser au niveau de l’Européen, qu’il jalouse d’ailleurs, ne peut être traité comme le sauvage Sakalave, qui n’a connu jusqu’à ce jour que le pillage et la chasse aux esclaves. De plus, ce qui convient aujourd’hui dans notre colonie, peut ne plus être bon dans quelques années... Pas d’impôt, disent les financiers, ou alors l’uniformité et la recette en argent. J’en ai décidé autrement et arrêté que l’impôt varierait suivant les mœurs et coutumes locales, mais en donnant les instructions les plus formelles pour que l’établissement de l’impôt suive pas à pas la pacification et l’organisation.

« Voici, d’après ce principe, la province de Tulléar qui commence à se pacifier, et l’administrateur qui établit un impôt payable en bœufs, riz, etc. M. X... proteste et fait observer que ce n’est pas régulier, que la conservation de ces animaux ou denrées présente

  1. Au printemps de 1896, l’ensemble de ces revendications s’élevait au total fantastique de 42 millions et demi : ni la France n’était disposée ni la colonie apte à supporter une pareille charge.
  2. Instructions ministérielles du 18 octobre 1896.
  3. 27 février 1898.