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à aucun désordre appréciable : l’assassinat de deux pasteurs français en tournée, si douloureux fût-il, n’avait que le caractère d’un crime isolé, dû à l’imprudence des voyageurs, et, aussitôt réprimé que connu, ne provoqua point de nouveau mouvement insurrectionnel. La rébellion des Hovas était bien décidément maîtrisée, et les soumissions, dans les régions naguère troublées, se faisaient chaque jour plus nombreuses et plus décisives.

Mais les Sakalaves, autrefois représentés comme les plus ardens soutiens de la cause française, déployaient un esprit de résistance tout à fait inattendu, depuis que les autorités françaises les gênaient dans leurs opérations commerciales. Excités par des marchands indiens qui se réclamaient de la nationalité anglaise et préoccupés de défendre leurs alluvions aurifères contre les prospecteurs européens, ils ne se bornaient même pas à s’opposer aux progrès méthodiques de nos postes militaires : quand ils se croyaient en force suffisante, ils attaquaient nos détachemens, leur infligeaient parfois des pertes assez sensibles, quelquefois même les obligeaient à reculer[1]. De même dans la région Sud, où l’on rencontrait cette complication additionnelle, que les volontaires hovas enrôlés dans nos régimens indigènes se montraient moins aptes à supporter le climat de la côte que nos vaillans et infatigables tirailleurs sénégalais. Comme rien ne pressait dans ces deux régions, le général Gallieni attendit de n’avoir plus aucun sujet de préoccupation dans l’Emyrne pour diriger ses troupes vers l’ouest et le sud : au printemps de 1898, le corps d’occupation presque tout entier qui, deux ans plus tôt, était concentré à Tananarive, avait ainsi pu évacuer le plateau central pour se porter, par une marche lente et méthodique, vers les points de la périphérie encore soustraits à notre domination sans qu’aucun conflit sérieux eût fait obstacle à ses progrès.

Dans l’intervalle, l’action administrative pure n’était pas restée stérile. Dès la fin de 1897, par une réorganisation des services du gouvernement général, le général Gallieni avait pu séparer les affaires civiles des affaires militaires, jusque-là volontairement confondues dans une direction unique. Les réclamations vraiment exorbitantes formées par diverses personnes françaises ou étrangères, sous prétexte de dommages subis pendant la campagne de 1895, avaient été examinées une à une, et pour la plupart

  1. Affaire de Tsirihibina, octobre 1897.