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depuis l’exil de la reine Ranavalo, n’était tenté d’aller chercher auprès d’eux une assistance politique que la France n’eût pas tolérée un instant de leur part.


X

A partir du printemps de 1897, Madagascar rentre peu à peu dans la catégorie des pays heureux qui n’ont pas d’histoire, ou du moins son histoire se réduit à l’expédition des affaires courantes. Les gros problèmes sont résolus, ou engagés de telle façon que la solution se dégagera d’elle-même. Sur les solides assises qui viennent d’être fondées, il n’y a plus qu’à choisir son heure pour achever la construction de l’édifice, l’adapter aux besoins qui se révéleront, le rendre habitable au commerce et à la colonisation. L’œuvre exige encore, à coup sûr, une attention soutenue, une sagacité toujours en éveil, une fertilité d’invention inépuisable de la part du gouverneur général[1]. Mais elle ne présente plus d’arête propre à retenir le regard du grand public.

Ce n’est pourtant pas que les incidens, voire les accidens, aient manqué dans les mois qui suivirent ; aucun pourtant ne fut de nature à éveiller des inquiétudes sérieuses dans le gouvernement. L’inspection du tour de l’île, à laquelle procéda le général Gallieni en mai et en juin, lui permit de constater que tout ce qui avait été déjà accompli par lui sur le plateau central n’avait eu encore ni écho ni imitation sur les côtes ouest et sud-ouest, et que partout la médiocrité de la récolte et la difficulté des communications aidant, la question du ravitaillement causait les plus vives préoccupations. A Maintirano et à Morondavo, il infligea lui-même une première leçon à des chefs sakalaves qui ne voulaient point reconnaître notre autorité, et qui se livraient à la traite des esclaves et à la contrebande. A Majunga, il donna des ordres pour qu’on remît en état la route qu’avait ébauchée le corps expéditionnaire de 1895 en montant à Tananarive, et pour qu’on y fît circuler, après les réparations nécessaires, d’innombrables véhicules abandonnés par nos troupes dans la brousse. A Fort-Dauphin, où l’anarchie était complète, il constitua pour quelques mois un territoire militaire. Rentré à Tananarive au début de juillet, il s’aperçut que son absence n’avait servir de prétexte

  1. Voir pour le détail le rapport d’ensemble, déjà cité, du général Gallieni, mars 1899.