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pu, en mainte occasion, apprécier leur dévouement et leur zèle sur d’autres points du globe ; elle savait pouvoir compter sur leur collaboration la plus discrète et la plus intelligente et ne s’exposer avec elles à aucun risque de conflit politique[1]. En même temps on entama avec Rome des pourparlers destinés à attirer à Madagascar, pour y rompre l’espèce de monopole de fait dont y jouissaient les jésuites, d’autres corporations catholiques, telles que lazaristes ou spiritins, fort experts, eux aussi, en matière d’œuvres coloniales. Puis, pour prouver à tout le monde, aussi bien aux protestans qu’aux catholiques, que s’ils ne cessaient de harceler l’autorité civile, celle-ci finirait par se passer de leur concours, quelques instituteurs laïques furent acheminés vers l’île, et comme les difficultés du recrutement et la médiocrité des ressources budgétaires en limitaient nécessairement le nombre, le général Gallieni eut l’ingénieuse idée, à la fois pour occuper ses soldats et pour répandre la connaissance du français, de créer dans tous les postes militaires des écoles indigènes d’où était naturellement bannie toute préoccupation confessionnelle[2].

Grâce à cette politique prudente et ferme, dont les péripéties variées de la lutte ne firent pas un seul instant dévier le gouvernement, les troubles religieux s’apaisèrent peu à peu. On n’avait eu besoin de rien briser, mais seulement d’user d’une infinie patience, pour arriver à faire concourir tous les élémens français, catholiques, protestans ou laïques, à la pacification et à la francisation. Il n’était point jusqu’aux missionnaires anglais qui n’y collaborassent désormais : leur race n’a point coutume de s’obstiner inutilement quand elle se heurte à une volonté plus forte et tout aussi réfléchie que la sienne. Dans celles de leurs écoles qui subsistaient sous leur direction propre, ils enseignaient maintenant le français, suivant le programme et sous le contrôle de nos autorités scolaires. En octobre 1897, ils répandirent à profusion parmi les indigènes des circulaires répudiant expressément toutes relations avec les ennemis de notre domination. Nul d’ailleurs,

  1. Ces conventions, qui sont d’avril 1897 et de janvier 1898, ont été dénoncées par une certaine presse comme un acte de trahison cléricale du gouvernement d’alors. Il est à noter que leur premier objet était de ramener les écoles congréganistes sous l’autorité directe de l’Etat. D’autre part, Frères et Sœurs s’obligeaient à fournir des maîtres à des conditions pécuniaires déterminées, mais la colonie ne s’astreignait nullement à n’en pas prendre ailleurs ni même à leur en demander un nombre minimum quelconque.
  2. Le général Gallieni avait aussi créé à Tananarive de grandes écoles normales et professionnelles.