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à leur cause. Aucun des deux camps ne voulait admettre qu’il ne réussirait pas à faire intervenir l’action gouvernementale au bénéfice de ses préférences doctrinales. En vain les conviait-on à la modération ; en vain distribuait-on avec une rigoureuse impartialité les faveurs administratives, subventions scolaires, gratuité de passages à destination de la colonie pour les missionnaires ou instituteurs, etc.[1] : l’irritation et la défiance demeuraient extrêmes ; aux zizanies entre catholiques et protestans s’ajoutèrent même bientôt des tiraillemens entre les diverses congrégations représentées dans l’île et sur lesquelles la mission jésuite, sous le prétexte que son chef était pourvu du titre d’évêque in partibus, prétendait exercer une autorité sans partage.

Cet état de choses ne pouvait se prolonger sans devenir un péril véritable. En février 1897, le ministre fit savoir à qui avait besoin de l’entendre, que ses avertissemens antérieurs étant demeurés infructueux, il prescrirait, le cas échéant, l’expulsion de l’île de quiconque y provoquerait des troubles et ajouterait, par son intempérance de conduite ou de langage, aux difficultés de la situation politique contre lesquelles le général Gallieni avait à lutter. Cette fois son langage fut écouté ; il le fut d’autant mieux qu’un ensemble de mesures furent aussitôt prises et de pourparlers commencés qui pouvaient paraître menacer les principales missions dans leur prestige même.

On a vu plus haut par quels procédés avait été opéré le refoulement de l’influence anglaise sur le protestantisme malgache, sans que la moindre atteinte eût été portée par les actes gouvernementaux à la liberté de conscience. Une marche analogue fut alors suivie pour restreindre la prédominance des jésuites sur les indigènes catholiques, sans cependant désavouer les services éminens qu’ils avaient rendus dans le passé à la cause française. A cet effet, des conventions furent conclues, tant avec les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny qu’avec les Frères des écoles chrétiennes pour que leurs écoles indigènes, naguère subventionnées par l’Etat sous le couvert des jésuites, relevassent désormais directement de l’autorité civile : l’administration coloniale avait

  1. De janvier 1896 à juin 1897, vingt passages gratuits ont été accordés par l’administration des colonies à des missionnaires catholiques ou à des sœurs ; sur ces vingt, treize étaient destinés à pourvoir aux besoins du service hospitalier. Dans le premier trimestre de 1897, à l’heure où l’on voulait aider à la substitution d’un personnel français aux Anglais, seize passages furent concédés à des pasteurs ou instituteurs protestans.