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sur la marche à suivre. Mais il fallait en venir aux actes, et là était le péril. Une des premières décisions prises par le général Gallieni fut d’exiger la connaissance de la langue française de tout indigène qui solliciterait des fonctions administratives : nul n’en put contester le principe. La seconde, autour de laquelle de gros débats furent soulevés, consista dans la réquisition, puis l’expropriation de l’hôpital anglais de Tananarive, et dans la réorganisation de l’école médicale qui y était annexée.

Les deux principales missions anglaises tenaient depuis 1889 du gouvernement malgache la jouissance d’un terrain, à charge d’y entretenir un hôpital, mais il résultait des lois générales malgaches aussi bien que de l’acte de concession lui-même que la propriété du terrain et des constructions était réservée à la reine. Or, en vue de convertir en droit définitif et incommutable le droit précaire qu’elles possédaient, les missions demandèrent à la fin de 1896, l’immatriculation des immeubles à leur nom[1]. Le général Gallieni riposta, le 15 novembre, par un arrêté de réquisition de l’hôpital, devenu indispensable pour le service de la garnison ; il nomma une commission chargée d’évaluer l’indemnité qui devrait être payée aux missions pour la valeur du matériel ; et, le 10 décembre, il subordonna l’exercice de la profession médicale dans l’île à la possession d’un diplôme français, sauf autorisation pour les médecins déjà en fonctions à continuer leur métier.

Ces mesures donnaient satisfaction aux besoins les plus impérieux du moment en même temps qu’elles dépouillaient les Anglais de leurs instrumens d’action les plus puissans. Attaquées devant les juridictions compétentes, elles furent validées par celles-ci. Portées sur le terrain diplomatique, elles donnèrent bientôt lieu à un arrangement amiable : ce qui importait à la France, c’était d’affirmer son droit de prédominance et de proclamer la précarité juridique des anciennes concessions malgaches ; le but atteint, il était habile et utile de ne point se donner l’apparence de léser des intérêts respectables ; bien qu’en droit strict, rien ne fût dû aux missions pour les bâtimens de l’hôpital, une indemnité raisonnable leur fut accordée peu après par le général Gallieni.

  1. Si on eût fait droit à leur demande, toute la question des concessions plus ou moins fantaisistes accordées par le gouvernement malgache avant 1895 aurait été engagée de la façon la plus déplorable : des millions d’hectares auraient été soustraits à la colonisation française.