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construire un chemin de fer malgache sous le régime de la garantie d’intérêt : le risque n’était point grand, en effet, et les émissions de titres assuraient une ample moisson de bénéfices, sans que la respectabilité des émetteurs fût jamais mise en doute, puisque, en prenant les choses au pire, les porteurs de titres toucheraient toujours au moins 3 pour 100 de leur argent. En vain le ministre leur objectait-il que l’exemple souvent discuté de l’Algérie, du Sénégal, de la Réunion n’encouragerait point le Parlement[1] à s’engager de nouveau dans cette voie, et qu’ils s’exposaient, en s’obstinant sur cette formule vieillie, à voir l’Etat construire par ses propres moyens, plutôt que de s’astreindre à rémunérer un capital toujours plus exigeant que la rente : les financiers en question n’en voulaient point démordre ; ils préférèrent ne rien faire que d’essayer de faire neuf.

En revanche, un Mauricien d’origine française, M. de Coriolis, — son nom a fait quelque bruit à l’époque, car il servit de prétexte pour accuser le gouvernement de vouloir livrer Madagascar à la Grande-Bretagne, — se montrait tout disposé à inaugurer le système américain pour le compte de la France. On lui signifia, dès le début des pourparlers, que sa nationalité ne permettrait point de traiter avec lui et que, si jamais le gouvernement adoptait ses idées, il ne les réaliserait qu’au profit d’une société française, constituée selon la loi française et possédant un personnel français. Il ne se découragea pas ; il parcourut la province, prêchant sa foi et son système ; il rencontra, à Bordeaux surtout, puis à Marseille, des hommes disposés à entrer dans ses vues et à prendre à option le chemin de fer de Tananarive à Andevorante, sous la seule condition que, s’ils levaient l’option, l’Etat leur concéderait 300 000 hectares de terre.

Il y avait tout intérêt et pour le Trésor public et pour la colonisation à encourager ce mouvement d’idées et à tenter, à propos de Madagascar, d’imprimer une orientation nouvelle aux capitaux français. Malheureusement une pareille initiative se heurtait à trop de préjugés et d’intérêts particuliers pour que l’action ministérielle fût secondée par le Parlement. On le vit bien pour une autre affaire, beaucoup plus restreinte, où la même formule avait été appliquée : une société française avait demandé la concession d’une route entre Fianarantsoa, dans le Betsileo, et la côte Est ;

  1. La loi sur la conversion de l’emprunt malgache obligeait le gouvernement à ne faire aucune concession de voie ferrée sans y être autorisé par le Parlement.