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contrôle, la surveillance : il ne signera point de confiance et reverra tout ce qu’on soumet à la signature ; mais il ne fera plus lui-même le métier « de scribe ; » des scribes, il en aura tout un atelier, officiels et officieux, en uniforme et sans uniforme, de chancellerie et de presse, de tous les styles et pour tous les usages, des Bücher et des Busch. C’est lui qui les inspirera, qui leur tracera le canevas, qui leur donnera l’intonation ; mais plus d’encre aux doigts ; sauf dans les graves, très graves circonstances où il faut bâtir de sa main, rien que quelques traits, sabrés en marge, de ce gros crayon sur lequel il s’appuie à la tribune comme sur un bâton de commandement. Plus de « besogne, » plus de « travail assis ; » le grand travail debout de l’unité allemande en marche. Celui-là, ce n’est point un rocher de Sisyphe, ce n’est point une roue d’Ixion ; et quand le « rocher de bronze » des Hohenzollern sera monté là-haut, il n’en redescendra plus ; quand la roue de leur fortune aura accompli ce dernier tour, elle se fixera ; celui-là, c’est, entre tous, l’ouvrage national, qui est éminemment utile, qui ne saurait être perdu, qu’on ne fait pas pour qu’il se défasse, qui a une raison, un but et une fin : Bismarck l’entreprend avec joie et le conduit avec persévérance.

Pour l’achever à son honneur, il s’entoure de bons compagnons. S’il ne les veut pas trop forts, trop indépendans, trop hardis et prêts à parler plus haut que le maître, — ce qui pourrait compromettre le succès, — il leur demande ce qui doit contribuer au succès : de la foi, du courage, de l’ardeur même ; de l’esprit de suite, de la ténacité et même de l’obstination ; de l’intelligence dans l’obéissance, du ressort, et même, dans les limites de leur activité, de l’initiative, une sorte d’initiative secondaire et comme réflexe, subordonnée au mouvement général auquel lui seul imprime le branle, et qui se règle sur ce mouvement.

A propos de l’ancien ministre, Arnim-Boilzenburg, « le Chef dit : — Arnim a été mon supérieur à Aix-la-Chapelle. Je le considère comme un homme aimable, habile, mais non disposé à agir avec constance et énergie ; il ressemblée une balle de caoutchouc qui rebondit et rebondit, mais qui perd à la longue son élasticité. Il a d’abord une opinion, que fait-il ? il la réfute lui-même, puis on lui prouve que sa réfutation est mauvaise, et ainsi de suite. — Delbrück fait des éloges du gendre d’Arnim ; il le dit fort instruit et fort spirituel, mais peu sympathique et sans aucune ambition. Le Chef répond : « Il n’a pas de fusée dans le derrière !… »