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de thalers, le double presque de ce que coûtait l’ancienne armée.

Ces réformes suscitèrent une violente opposition parmi les militaires de routine et les libéraux qui, en Prusse comme ailleurs, poussent, par des déclamations soi-disant patriotiques, les gouvernemens à des guerres dont ils leur refusent les moyens. Toucher à la landwehr, à cette institution du salut national, c’était un sacrilège. Et pourquoi cette profanation ? pour enlever à l’armée prussienne son caractère de représentation du peuple, pour donner des grades à des hobereaux impertinens qui faisaient peser leur arrogance sur la bourgeoisie ! On était assez chargé d’impôts ; ce militarisme à outrance allait les rendre plus lourds ; il menaçait la prospérité nationale aussi bien que les libertés publiques.

Ces objections prirent une forme légale dans le rapport de la commission chargée d’examiner le projet ministériel et dont l’autorité parut d’autant plus décisive que le rapporteur était le général en retraite Stavenhagen. La Commission acceptait l’élévation du chiffre de la levée annuelle à 63 000 hommes ; elle repoussait l’exclusion de la landwher comme blessante pour les traditions patriotiques ; au lieu d’approuver la prolongation du service dans la réserve de deux à quatre ans, elle proposait la réduction à deux ans du service dans l’armée active. Devant cette opposition, le ministère retira la loi.

La conséquence de ce retrait devait être que, de son côté, la Chambre n’accorderait pas les 9 millions de thalers qu’on lui demandait pour une réforme dont elle se refusait à voter le principe. Par une de ces inconséquences dont le parlementarisme fournit tant d’exemples, elle les accorda provisoirement, sous la réserve qu’aucune solution définitive ne serait adoptée sans son consentement. Provisoirement aussi, Roon se mit à l’instant à opérer sa réorganisation définitive, à créer des régimens, des écoles, à conférer des grades, à fabriquer des canons et des fusils ; Moltke installa le mécanisme de décentralisation, qui devait assurer la régularité et la rapidité des mobilisations futures, et le premier acte militaire du nouveau roi fut une distribution de drapeaux à sa nouvelle armée (18 janvier 1861).

Dans la session suivante, le Landtag proteste de nouveau en principe contre une réforme qui était, dans ses lignes principales, un fait accompli : il déclare ce fait accompli illégal, car « toute dérogation au régime militaire de la loi de 1814 ne peut être