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à sa place son ami intime, le colonel Fischer, et néanmoins conserva la confiance du prince. Elle s’accrut en 1849, quand il fut attaché au corps qui opéra sous ses yeux contre l’insurrection badoise. Nommé chef d’état-major du 10e corps, il fit partie, avec Alvensleben, de la petite cour du futur régent installé à Coblentz en sa qualité de gouverneur militaire de la Westphalie.


III

Dans cette période de l’histoire militaire de la Prusse, Roon a une importance bien supérieure à celle de Moltke, soit à cause de ses relations personnelles plus fréquentes avec Guillaume devenu régent, puis roi, soit à cause de la haute prévoyance de ses vues. Moltke, d’une habileté supérieure à lever les plans, à reconnaître le terrain, à réglementer le mécanisme d’un état-major et à en instruire les officiers, ne se rendait pas aussi bien compte du vice capital de l’organisation prussienne. Ni la mobilisation partielle de 1849, qui avait fait d’une insurrection sans conséquence une affaire sérieuse, ni la mobilisation générale de 1850, qui avait obligé à subir l’humiliation d’Olmütz, ne lui avaient inspiré aucune inquiétude sur la supériorité de l’armée prussienne. Elles avaient au contraire profondément alarmé Roon : il n’avait pas aperçu seulement les défectuosités secondaires (quoiqu’il n’y ait rien de secondaire à la guerre) semblables à celles qui se manifestèrent dans l’armée française en Crimée : lenteurs résultant de la centralisation, désordre causé par l’organisation vicieuse ou incomplète des services administratifs du train, de l’intendance, etc., il avait vu aussi le grave défaut spécial à l’armée prussienne et dont l’armée française était exempte, la landwehr.

L’armée du grand Frédéric était une petite armée de métier composée d’hommes recrutés surtout parmi les étrangers par n’importe quels moyens, assujettis au service toute leur vie jusqu’à l’épuisement de leurs forces physiques ; elle s’augmentait d’une milice nationale beaucoup plus nombreuse, soumise pendant la paix à des exercices variant d’un an à quatre ou cinq semaines, et introduite au moment de la guerre dans les cadres de l’armée de métier où la tenait cerclée une discipline de fer. Une nouvelle organisation ébauchée, pendant la guerre de l’Indépendance, fut établie par la loi du 3 septembre 1814 et les ordonnances