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aurait-il fallu, pour être respecté, que le nouveau règlement eût été voté dans des conditions régulières et correctes ; mais il ne pouvait pas l’être, et ne l’a pas été. Au coup de force de la minorité, la majorité en a opposé un autre : aussi bien d’un côté que de l’autre, les règles élémentaires du parlementarisme ont été faussées. Nous ne l’excusons pas plus chez les uns que chez les autres. Le seul résultat de cette manœuvre a été d’ailleurs de créer une solidarité étroite entre la gauche constitutionnelle de MM. Giolitti et Zanardelli et l’extrême gauche. On a vu alors se produire un incident parlementaire qui, dans un autre temps ou dans un autre pays, aurait pu produire un grand effet. Cent cinquante députés se sont levés à la fois et sont sortis de la salle des séances, les uns criant : « Vive le Roi ! » et les autres : « Vive la Constituante ! » La majorité les a vus partir, sans manifester ni regret, ni inquiétude, et a profité de leur absence pour voter tout ce qu’elle a voulu. Personne ne s’est donné l’illusion de croire que les choses en resteraient là. L’opposition ne se tenait pas pour battue, et le gouvernement, ce qui n’était pas moins grave, n’avait pas l’impression d’être définitivement victorieux. Quant au pays, il restait impassible, inerte, indifférent. Le ministère a-t-il espéré que cette indifférence, au moins apparente, du pays paralyserait l’opposition, ou atténuerait ses ardeurs ? Il a suspendu pour un mois la session des Chambres. Il a renvoyé les députés dans leurs provinces, comme on verse un bol d’eau bouillante dans un seau d’eau froide. Les vacances se sont passées dans une tranquillité relative. Mais qui pourrait dire avec certitude ce qui se passait sous cette surface calme ? Le sentiment général était déjà qu’on marchait à la dissolution. Les députés de l’opposition, sans faire gi-and bruit, étaient extrêmement actifs et se préparaient à qui mieux mieux à une lutte qu’ils jugeaient inévitable. A leurs yeux, le nouveau règlement de la Chambre, vicié dans son origine, n’existait pas, et ils étaient parfaitement décidés à protester contre lui, par tous les moyens, dès la reprise de leurs travaux.

Quant au ministère, son embarras était d’autant plus grand que tous ses membres n’étaient pas d’accord. Quelques-uns d’entre eux, — on assure même que le général Pelloux, président du Conseil, était du nombre, — comprenaient l’opportunité d’une transaction. Ils se sentaient en faute. Ils avaient fait un acte de force. Ils ne pouvaient en maintenir les résultats qu’à la condition d’y introduire quelques tempéramens. Pourquoi ne pas regarder la réforme réglementaire comme n’étant pas définitivement close, et ne pas permettre d’y introduire quelques amendemens ? Pourquoi ne pas admettre après coup