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général de Galliffet avait donné sa démission, et que rien n’avait pu le décider à la reprendre. Il a été remplacé par le général André. Quel que puisse être le mérite de cet officier, son entrée dans le Cabinet n’a aucune signification précise. On voit bien ce qu’on perd, on ne voit pas ce qu’on gagne. Le général de Galliffet, pour expliquer sa retraite, a invoqué des motifs de santé : nous croyons qu’il faut voir dans sa démission ce qui y est en effet, c’est-à-dire un acte politique : nous ne croyons pas que le ministère en soit fortifié.

Revenons à la séance de la Chambre, que nous avons laissée interrompue. Lorsqu’elle a été reprise, M. Waldeck-Rousseau n’a pas cherché à renouer le fil de son discours : il s’est contenté de dire qu’à défaut de son expression, sa pensée ne différait pas, au fond, de celle du ministre de la Guerre, et qu’il n’avait jamais entendu ne pas s’associer au tribut d’éloges que celui-ci avait donné à l’armée. L’explication a paru faible, insuffisante et tardive : il y a des mots qu’on n’efface pas. Au reste, il a été bientôt évident que le rôle de M. Waldeck-Rousseau était fini pour cette séance, sinon pom’plus longtemps. Le bruit avait couru dans les couloirs que M. Léon Bourgeois allait déposer un ordre du jour : il l’a déposé, en effet. M. Bourgeois a le flair des circonstances. Il se tient longtemps à l’écart, il se tait, il se réserve. Peut-être n’a-t-il pas toutes les qualités d’un chef de parti, car il laisse volontiers son parti aller à la débandade sans paraître s’en soucier le moins du monde ; mais, quand le moment est venu de se montrer lui-même, il le laisse rarement échapper. Il y a dans toute sa manière de la nonchalance et de l’à-propos. L’effondrement de M. Waldeck-Rousseau devait solliciter son dévouement à la chose publique. Il a senti qu’on pouvait tirer encore quelque chose de la défense de la République, et que la formule restait utilisable, malgré l’usage qui en avait été fait. M. Bourgeois s’est donc proposé d’opérer le sauvetage du ministère sans trop se compromettre avec lui, et de corriger la dernière maladresse qu’il venait de commettre. L’œuvre était tout à fait dans ses moyens. Voici son ordre du jour : « La Chambre, approuvant les actes du gouvernement, et sûre du dévouement de l’armée à la patrie et à la République, etc. » Qu’entendait exactement M. Bourgeois par les actes du gouvernement ? Il ne s’est pas expliqué sur ce sujet. M. Aynard l’ayant interrompu pour rappeler les projets de loi anti-libéraux dont nous avons eu si souvent l’occasion de parler, M. Bourgeois a paru en faire bon marché. On s’expliquera, a-t-il dit, sur ces projets quand la discussion en viendra, — si elle vient jamais, — et, après tout, des projets ne sont pas des actes. Il faut rendre à M. Bourgeois la justice