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quoique portant des traces indéniables d’une époque primitive.il va sans dire que j’ai recueilli avec le plus grand respect ces inestimables restes, antiques témoins de la civilisation à son aurore. Ce que les spoliateurs avaient déjà fait, je l’ai fait moi-même : tout ce qui provenait de ce tombeau fut passé au crible afin de ne rien laisser échapper. Pour ce faire, il parut nécessaire de diviser la tombe en zones : cette division elle-même avait déjà été pratiquée par les moines du VIe siècle de notre ère, car, à mesure que j’approchai du fond, je vis que les profanateurs avaient, eux aussi, agi de la sorte.

En faisant démolir les murs qu’ils avaient élevés, je m’aperçus, — hélas ! ce n’était pas la première fois, — que, pour construire ces murs, on s’était servi de monumens qu’on avait pris soin de briser, lorsqu’on ne pouvait pas les utiliser tout entiers. Ceux qui avaient été conservés intacts avaient été tellement maltraités par les spoliateurs soit volontairement, soit involontairement dans beaucoup de cas, que je ne pouvais plus en tirer le moindre parti, chose très regrettable. Cependant, dans la plupart des chambres, j’ai retrouvé encore en place un assez grand nombre de jarres énormes, en terre cuite, les unes toujours coiffées de leurs bouchons coniques, les autres l’ayant perdu, car il était tombé à terre. L’incendie qui avait été allumé dans ces chambres avait fêlé presque toutes ces jarres, qui tombaient en morceaux dès qu’on les voulait prendre. Pourtant, les spoliateurs, dans leur rage destructive, avaient apporté trop de précipitation quelquefois à leur travail : ils avaient rempli les chambres de sable et avaient de la sorte éteint l’incendie à peine allumé. Chaque chambre eut, je pense, son incendie particulier, et la grande cour centrale obtint un honneur spécial ; on dut y allumer un immense brasier, car j’y ai rencontré des fragmens de poteries vitrifiées et soudées ainsi les unes aux autres, ayant 0m, 30 de longueur sur 0m, 50 de hauteur, et 0m, 15 de largeur. On peut ainsi juger de la violence du feu et de ses ravages. Il est surprenant que quelques objets aient pu résister à cette destruction ; mais la multiplicité des incendies et surtout la précipitation apportée au travail ont sauvé de la destruction certains fragmens des plus intéressans pour la science. Il n’est pas jusqu’à la grande cour elle-même qui n’ait gardé quelques restes, car le brasier avait été allumé au milieu, et la partie nord avait presque échappé à l’incendie. Cette partie septentrionale contenait sans doute, dans une rainure profonde de 0m, 10, large de 0m, 92,