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non seulement correspondait à la première, mais encore défiait tout ce qu’on pouvait attendre. Je ne crois pas trop dire en écrivant que, si le mobilier du tombeau eût été rencontré intact, l’heureux homme qui l’eût découvert aurait trouvé un trésor tel que seules les Mille et une Nuits en ont décrit de semblables. J’estime que le nombre des vases en pierres dures ou précieuses dépassait le chiffre de trois mille, sans compter les vases en métal, les merveilleux couteaux de silex, les armes, etc., que l’on y avait amoncelés. De plus, la poterie était représentée par de grandes quantités de vases de toute forme, soit renfermés dans des caisses en bois, soit déposés sur le sol. Les approvisionnemens contenus dans ces poteries étaient encore de bien loin dépassés par ceux renfermés dans de grandes caisses en bois contenant environ quarante hectolitres de toutes les céréales alors connues, les fruits aimés, maintenant ignorés. L’ameublement remplissait deux chambres : c’étaient surtout des chaises et des fauteuils en paille tressée, des objets de vannerie primitive, d’autant plus intéressans pour l’histoire de l’industrie humaine.

Malheureusement, presque tous les vases avaient été brisés avec une fureur inouïe par les spoliateurs, toutes les fois qu’ils l’avaient pu, car, assez souvent, ils avaient été interrompus dans leur œuvre néfaste et sacrilège, soit par des éboulemens soudains, soit peut-être à main armée. J’ai retrouvé au fond d’une chambre une couffe oubliée par les profanateurs surpris sans doute par quelque chute soudaine du sable ; en outre, le travail, fort souvent, avait été fait d’une manière si hâtive que l’on avait négligé d’aller jusqu’au sol de la chambre ; que l’on avait laissé sans les briser presque tous les objets en métal renfermés dans le tombeau ; qu’on ne s’était pas donné la peine de sonder les murs éboulés et de détruire les solives de la toiture. Si l’on compare l’état dans lequel mes ouvriers ont trouvé ce tombeau immense avec celui dans lequel étaient quelques tombeaux des rois Mânes, notamment celui du roi Den et celui aux pointes de flèches, même celui du roi Serpent, surtout si on le compare avec la dévastation systématique du tombeau d’Osiris, on sera frappé de ce fait que je n’ai pas relevé une seule trace d’incendie en quelque endroit que ce soit.

Malgré cette dévastation à jamais regrettable, les découvertes qui ont eu lieu dans ce tombeau sont du plus grand intérêt pour la science, en particulier pour l’histoire de l’art et pour l’histoire de la civilisation humaine à cette lointaine époque. Le nombre