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difficulté. Ainsi, j’ai trouvé des fragmens de vases en cristal de roche taillés d’une main très sûre et de formes très diverses ; malheureusement je n’ai pu en rencontrer un seul d’intact. Les morceaux de cristal de roche étaient quelquefois d’une grandeur étonnante. S’il arrivait que quelque veine malencontreuse fît éclater le vase en pierre dure sous la main de l’artiste qui le travaillait, il savait parfaitement le recoller et le faire servir au but qu’il poursuivait : la chose devait même être assez fréquente, car j’ai rencontré bon nombre de vases dans ces conditions. Ils ne reculaient même pas devant la restauration proprement dite et adaptaient ensemble des fragmens de pierres qui n’avaient ni le même grain ni la même épaisseur, en quoi ils se montraient plus utilitaires qu’artistes. Dans un autre (ordre d’idées, ils savaient travailler et sculpter le bois, faisaient déjà des travaux de marqueterie en losanges, et ces losanges, composés de quatre petits triangles, étaient parfois faits de verre émaillé. Et afin qu’on ne puisse pas prétendre qu’un travail aussi remarquable n’est pas de cette époque, ce morceau de bois d’ébène contient sur sa face intérieure le nom de l’un de ces Pharaons antiques.

Dans la sculpture, ils étaient tout aussi habiles. J’ai rencontré, outre les objets mentionnés plus haut, une grenouille très remarquablement faite en diorite, des pieds de lit funèbre en ivoire d’un galbe et d’une facture admirables, un lion également en ivoire, sculpté avec une facilité extraordinaire, et cela au fond de tombeaux où certes on n’avait pas pu les déposer en d’autres temps, malgré les ravages qu’a subis cette partie de la nécropole. Et non seulement les Egyptiens sculptaient, mais ils dessinaient sur l’ivoire des caricatures ou des dessins qui ressemblent fort à des caricatures. Ils peignaient déjà leurs stèles de cette couleur rouge qui est le propre de l’Ancien Empire et qu’on ne retrouve plus, l’Ancien Empire passé. Dans un autre genre, ils taillaient des perles en pierre transparente, comme le cristal de roche et la cornaline, et faisaient déjà des verroteries émaillées. Si bien que j’ai trouvé côte à côte des bracelets en silex, en métal, en ivoire, objets qui d’ordinaire sont les indices d’états de civilisation bien différens.

La rareté des monumens que j’avais découverts, l’archaïsme indéniable de leur forme et de l’art dont ils étaient le témoignage, la naïve exécution des inscriptions rencontrées, la nouveauté des signes employés dont un certain nombre étaient inconnus, tout