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petits, grossièrement bâtis, dont la forme était bizarre, inaccoutumée, pauvre et même misérable. Comme dans toute la nécropole d’Abydos, le sous-sol n’avait pas semblé assez solide pour y faire un tombeau, à moins de revêtir les parois de briques crues. Mais l’habileté des briquetiers et des maçons de cette époque n’était encore que rudimentaire : les murs ne sont pas d’aplomb, ils rentrent ou ressortent avec une fantaisie naïve ; ils ne sont pas davantage d’équerre et les quatre angles formés par les murs sont chacun d’une ouverture particulière. Cependant, déjà les hommes avaient le souci de parer les murs d’une sorte de crépissage en terre noirâtre qui a tenu et duré jusqu’à nos jours. Le plan de ces tombeaux était uniforme : une chambre rectangulaire ou à peu près. Quelquefois cette chambre était limitée par de petits murs en long ou en large, quelquefois en long et en large, sur deux ou trois côtés, formant des sépultures séparées ou des suites de magasins pour y déposer des objets que je n’y ai trouvés que fort rarement ; dans ce dernier cas, les petites loges ou niches étaient limitées par deux murs transversaux très rapprochés l’un de l’autre, ne laissant en certains cas que cinquante ou soixante centimètres d’intervalle. Je me demandais comment on avait pu enterrer des hommes en un si petit espace, lorsqu’un jour la découverte d’un squelette me donna le mot de l’énigme : les squelettes étaient déposés en ces trous dans une position qui me rappela aussitôt les momies péruviennes, avec cette différence qu’ils n’étaient pas momifiés et qu’ils étaient couchés sur le côté, les genoux à la hauteur des yeux, le haut du bras collé à la poitrine et l’avant-bras ramené sur la bouche, dans la position même qu’occupe le fœtus dans le sein maternel, si bien que la première position de l’homme et la dernière étaient identiques dans le sein de la mère et dans le sein de la terre. Entre les genoux et la poitrine, on déposait des vases contenant les alimens nécessaires aux morts d’après les croyances égyptiennes. Cette disposition avait déjà été observée en 1893 par M. Pétrie.

Les squelettes étaient rares : à peine si l’on en trouva cinq ou six, sur plus de soixante tombeaux que contenait le plateau. Les seuls objets découverts sont des vases en terre grossière, mais dont quelques-uns témoignent que l’homme, dès cette époque, sentait déjà le besoin de décorer ce qui lui semblait trop nu : on voit en effet sur certains de ces vases des dessins qui rappellent ce que l’homme des cavernes d’Europe gravait sur ses instrumens