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me faire concevoir les plus belles espérances. Mais j’avais compté sans la dévastation systématique, les épouvantables ruines que les moines fanatiques du VIe siècle amoncelèrent dans cette partie de la nécropole d’Abydos. Si les tombeaux dont il me reste à parler eussent été intacts, je ne crois pas trop m’avancer en disant que leur découverte eût été l’un des faits les plus importans qui se fussent produits dans l’histoire de l’égyptologie. Mais les barbares n’avaient rien épargné ! Le fer et le feu avaient tour tour été employés : le fer d’abord, pour briser les stèles et les vases précieux qui y abondaient ; le feu, pour brûler tous les objets en bois. Après avoir fait tous les ravages qu’ils pouvaient faire, après avoir pris le soin de laisser leurs noms écrits au charbon sur les tessons des vases, les dévastateurs avaient recouvert de sable les tombeaux incendiés, et le sable, recouvrant l’incendie allumé, avait réduit le bois en charbon, si bien que dans un seul tombeau j’en ai trouvé plus de deux cents kilos. Et cette dévastation ne fut pas opérée dans un jour de fureur populaire, de nervosité religieuse : elle dura longtemps, des années peut-être, car les moines du fanatique Moyse n’étaient pas nombreux, et ils prenaient leur temps ; dans quelques tombeaux, pour prévenir les éboulemens, ils eurent soin de bâtir des murs en briques, se mettant ainsi à couvert de tout accident. Ils ont détruit de la sorte les plus anciens monumens connus jusqu’à cette heure, des merveilles d’art et d’industrie primitive dont la possession nous serait si précieuse. Fort heureusement que leur fureur s’est contentée de briser, et ne s’est pas étendue jusqu’à la destruction complète des fragmens, soit par impuissance, soit par négligence : c’est en ramassant ces fragmens que j’ai pu arriver à former une collection, petite à la vérité, mais d’une importance considérable, collection d’objets aussi rares qu’anciens, donnant les noms de rois complètement inconnus, qui n’appartiennent à aucune dynastie manéthonienne, et qui sont au nombre d’au moins vingt-cinq.

Entre la première et la seconde butte rouge d’Om-el-Ga’ab, s’étendait un plateau de calcaire d’environ deux cent trente mètres, où je ne croyais trouver aucune sépulture, car rien ne les annonçait, tellement le terrain était uni, et je pensais n’avoir à faire que des sondages, afin de ne rien laisser sans l’avoir exploré. Mais, dès les premiers sondages faits, on trouva d’abord des statuettes en calcaire déposées à même dans le sol, puis des tombeaux