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comme du Lieu saint de l’Egypte, et l’un d’entre eux, trompé par les récits quelque peu fabuleux qu’il avait reçus des Egyptiens, n’assurait-il pas que tous les riches et les puissans de la vallée du Nil tenaient à honneur de se faire enterrer à Abydos, près du tombeau religieusement vénéré du dieu Osiris ? Aussi, quand l’illustre Mariette eut créé le musée de Boulaq, et qu’il chercha à faire sortir du sol ou de l’oubli les monumens de l’ancienne Egypte, sa pensée se porta-t-elle tout naturellement vers la nécropole d’Abydos. Il avait une autre raison, qui influa plus encore que la précédente sur sa détermination : les auteurs grecs dont je parlais tout à l’heure, toujours d’accord avec les documens égyptiens, lui avaient appris que c’était en Abydos que se trouvait le plus célèbre des quatorze ou des seize tombeaux d’Osiris, et il était poursuivi par le désir de trouver cette tombe célèbre. Enfin, la tradition égyptienne, passée chez les auteurs grecs, plaçait à Thinis, — ville que l’on croyait alors la même qu’Abydos ou que tout au moins l’on situait tout près d’Abydos, — le lieu d’origine des deux premières dynasties égyptiennes et de ces rois, regardés jusqu’à présent comme semi-fabuleux, dont Manéthon et les tables royales nous ont conservé la mention.

Durant dix-neuf années, Mariette explora sans se lasser la nécropole d’Abydos ; mais les travaux qu’il y fit exécuter ne lui donnèrent pas ce qu’il en avait attendu, et à sa mort, Abydos fut délaissé. Pendant l’hiver 1894-1895, le savant archéologue anglais, M. Flinders Pétrie, aidé de M. Quibell, opéra des fouilles extrêmement curieuses au nord du village actuel de Neggadeh, pendant que son compagnon travaillait à Ballas. Tous les deux mirent au jour un très grand nombre de tombes anciennes, dans lesquelles ils trouvèrent quantité d’objets inconnus jusqu’alors ou négligés par les sa vans après un examen trop hâtif. Frappés à juste titre par la nouveauté de ces objets, leur nombre et leur antiquité, les deux savans s’entendirent pour présenter leurs découvertes au monde des égyptologues comme la preuve qu’une race inconnue, appelée par M. Pétrie la race nouvelle, the new race, avait conquis l’Egypte vers la IVe dynastie, s’était échelonnée depuis Abydos jusqu’à Thèbes, et s’était conservée jusque vers la XVIIIe dynastie. M. Flinders Pétrie, qui n’est pas homme à reculer devant les hypothèses hardies et les systèmes nouveaux, — il l’a montré souvent de la manière la plus heureuse, — avait été cette fois effrayé devant les documens qui