ciel, dans un jardin déjà envahi par la nuit. On y passe peu et on y passe vite. C’est là pourtant qu’on doit s’arrêter longuement, si l’on veut porter un jugement précis sur ce mouvement de l’art contemporain.
Ce serait une injustice de juger tout l’Impressionnisme par quelques exemples, si bien choisis soient-ils. Mais c’est peut-être une injustice aussi que de laisser plus longtemps les partisans de cette Ecole couvrir de mépris les maîtres d’hier, sans nous aviser de regarder ce qu’à leur tour ils ont produit et sans nous demander si ce mouvement, qui fit tant de bruit, fit aussi quelque besogne. C’est notre droit de ne plus permettre, après trente ans écoulés, que l’Impressionnisme se borne, pour affirmer son existence, à montrer les défaillances des Ecoles anciennes, et, pour élever son monument, à entreprendre des démolitions... C’est pourquoi, sans le juger uniquement d’après cette salle du Grand Palais ou d’après la salle Caillebotte, mais en prenant ici la plupart de nos exemples, nous allons tâcher de montrer ce que ce mouvement a produit : quel fut son point de départ et quel est son point d’arrivée, si ce fut une fantaisie et une gageure de quelque ambitieux, ou, au contraire, s’il répondait à un ensemble de conditions nouvelles du pittoresque dans la nature et dans la vie, si ce fut un mouvement méprisable ou un effort vaillant, si cet effort a conduit à un succès ou à un avortement, s’il a réussi, à quoi ? et s’il a avorté, pourquoi ? — en un mot, à dresser son bilan.
Lorsqu’un matin de 1877, éclata, rue Lepeletier, la première grande révolte impressionniste, ce fut, dans le public, un éclat de rire, mêlé de cris d’horreur. On avait vu, çà et là, des tentatives isolées de ces révolutionnaires et l’on en avait déjà discuté, mais ils ne s’étaient pas révélés encore avec cet ensemble, cette audace et cette discipline qui, d’une foule, faisait une armée. Les vieux peintres, eux, ne riaient pas. Beaucoup considéraient ce spectacle, avec le désespoir morne, l’abattement profond qu’ont les patriciens romains devant leurs villas envahies par les Huns, dans le tableau de M, Rochegrosse. Que va-t-il advenir, se disaient-ils, des meubles précieux qui ornaient nos paysages académiques, des couleurs délicates qui les embellissaient, de la vie douce qui