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Comme il était droit, il commit l’erreur si fréquente de chercher la droiture chez tous. Trop confiant, il fut victime de sa bonne foi et de son imprévoyance.

Retief n’eut pas de peine à reprendre à Sikonyella les sept cents têtes de gros bétail volées à Dingaan, outre un certain nombre de chevaux et d’armes à feu volés aux Boers. Et cette prouesse fut d’autant plus belle qu’il sut l’accomplir sans la moindre effusion de sang, « ainsi qu’il convenait à un chrétien. » Puis, il alla rejoindre le gros de l’expédition, qui depuis plusieurs mois attendait les pluies d’été pour franchir la grande chaîne du Drakensberg, se dressant comme une gigantesque barrière entre les hauts plateaux de l’Afrique australe et le riant Natal, la terre promise des Voortrekkers. Ils avaient à conduire avec eux environ mille wagons, et c’était une tâche périlleuse et difficile de traîner ces lourds chariots sur des pentes où il n’y avait aucune trace de chemin. Mais on en vint à bout finalement, et, en janvier 1838, les émigrans campèrent sur le versant natalien de la chaîne du Drakensberg. Ils se répandirent dans la région Nord-Ouest du Natal, dans ces vallées fertiles qu’arrosent la Tugela, la Blauwkrans, le Moordspruit et la rivière des Bosmans.

Confiant dans les bonnes dispositions de Dingaan, Retief songeait à visiter de nouveau le chef des Zoulous, pour lui délivrer le bétail qu’il avait conquis et obtenir en échange la concession du territoire du Natal. Mais un dissentiment s’éleva entre les Boers à ce sujet. Maritz combattit vivement le projet de Retief d’aller lui-même chez Dingaan, estimant qu’il risquait fort d’y laisser la vie. Il était surtout opposé au départ d’une troupe nombreuse, et pensait que deux ou trois hommes suffiraient pour s’acquitter de cette mission, parce qu’on pouvait prévoir que Dingaan dédaignerait une aussi petite troupe, et qu’ainsi la force des Boers serait dans leur faiblesse même. Avec une générosité qui est un des plus beaux traits du caractère des Boers, Maritz alla jusqu’à offrir d’aller lui-même avec deux ou trois hommes, disant que, s’il périssait avec eux, le sacrifice serait suffisant. Plusieurs hommes influons parlèrent dans le même sens. Mais ; Relief opinait qu’il fallait inspirer le respect à Dingaan par le déploiement d’une force imposante. Il avait d’ailleurs promis de délivrer lui-même le bétail, et il voulait tenir parole. Dans son aveugle confiance, il était loin de soupçonner une trahison de la part du chef zoulou. A raison de In divergence de sentimens, il