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III

C’est à ce moment qu’on vit surgir l’homme dont le nom est resté légendaire dans l’histoire du grand trek. Il s’appelait Pieter Retief et descendait d’un de ces huguenots de France qui avaient émigré au Cap lors de la révocation de l’Edit de Nantes. C’était un homme peu ordinaire, d’une remarquable intelligence, d’une grande bravoure, d’une admirable piété. A la suite de dissentimens qu’il avait eus avec le gouverneur de la colonie du Cap, il résolut de partager la fortune des Voortrekkers, et il les rejoignit à Thabanchu, où il arriva, à la tête de vingt-six familles, en avril 1837. Les Voortrekkers, qui connaissaient sa valeur, lui confièrent leurs destinées en le choisissant comme leur commandant général.

Avec un rare sens politique, Retief commença par conclure des traités d’amitié avec les tribus cafres voisines, sauf avec Moselikatse. Il fit savoir à ce chef que les Voortrekkers ne demandaient qu’à vivre en paix avec les Cafres, mais qu’aucune paix n’était possible entre eux et les Matabélés, aussi longtemps que Moselikatse n’aurait pas renvoyé le bétail qu’il leur avait ravi. Quand Retief apprit que Moselikatse n’était point disposé à écouter cette proposition, il envoya contre les Matabélés un commando sous les ordres de Potgieter et de Uys. Les Boers. remportèrent une victoire qui brisa la puissance militaire des Matabélés. Moselikatse fut chassé de son pays, et Potgieter proclama que la contrée abandonnée par lui serait soumise désormais aux Voortrekkers. Ce territoire forme aujourd’hui les républiques des Boers. Moselikatse se réfugia dans la contrée où devait régner plus tard Lobengula, et que les Anglais annexèrent en 1895 sous le nom de Rhodésia, du nom de Cecil Rhodes.

Des dissentimens s’élevèrent à cette époque entre les chefs du trek sur la contrée où les Boers iraient fonder leur république. Bien qu’à l’origine ils eussent jeté leur dévolu sur le Natal, tout fut remis en question. Les uns voulaient s’établir au Nord, les autres préféraient aller à l’Est. Et, comme on ne put tomber d’accord, il arriva que les Voortrekkers, jusqu’alors si unis, se divisèrent en deux fractions. Potgieter, qui opinait pour aller au Nord, se sépara du reste de l’expédition pour constituer un gouvernement à part dans la contrée qu’il avait obtenue de Mukwana,