qui signifie littéralement « tirer » et qui suggère l’idée d’atteler les bœufs pour tirer le chariot, en d’autres termes, quitter le pays, émigrer à la recherche de nouveaux pâturages situés plus au Nord, là où il n’y a pas d’Anglais. Ce mot imagé est surtout entré dans la langue le jour où des milliers de Boers abandonnèrent la patrie que l’Angleterre leur avait ravie et s’en allèrent vers des régions inconnues, emmenant leurs bestiaux et emportant leur Bible. A raison de leur trek, on les appela les Voortrekkers.
Le trek a d’ailleurs été de tout, temps dans les mœurs des Boers. Comme l’a remarqué un de leurs annalistes, Léon Cachet[1], le « trekzucht, » le désir de changer de place, est chez eux un sixième sens. Un autre de leurs historiens, Cloete[2], en parle comme d’une des causes qui contribuèrent à déterminer les Boers à abandonner leur pays. C’est à leur genre de vie et à la nature même de leurs occupations qu’il faut attribuer cet instinct du trek. Ils se vouent, en effet, à la vie pastorale, mais dans les conditions toutes spéciales qu’exige l’adaptation au climat de l’Afrique australe, et qui réalisent un curieux mélange de vie nomade et de vie sédentaire. A la différence de nos paysans, le Boer n’est sédentaire que pendant certaines saisons, nomade en d’autres temps. C’est que chaque Boer possède plusieurs fermes, réparties dans des régions différentes, fort éloignées les unes des autres. Souvent s’abat sur un district une sécheresse prolongée, une série d’orages désastreux, une pluie de sauterelles, une grêle meurtrière, une épizootie ou quelque autre fléau. En pareil cas, le Boer quitte sa ferme pour une autre, située peut-être à des centaines de lieues ; il émigré avec son bétail pendant de longs mois, et s’établit jusqu’à la saison prochaine dans un district plus favorisé. Et l’on comprend ainsi comment l’immense territoire occupé par les Boers est à peine assez vaste pour un peuple exclusivement pastoral, dont chaque ferme occupe une étendue de quelques kilomètres carrés.
Lorsque le Boer émigre, il voyage avec son légendaire char à bœufs. Ces grands chariots d’aspect archaïque, très longs, très massifs, très solides, sont tous construits sur le même modèle et peints de trois couleurs qui sont toujours les mêmes, rouge, vert et jaune. Pas un clou n’entre dans leur construction : ils sont faits du bois le plus résistant du pays, le stinkvood (Laurus bullatus).