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Nous reviendrons plus tard sur le caractère de ce petit-fils de Henri IV, dont la singulière association avec le duc de Bourgogne devait, quelques années plus tard, produire tant de malheurs. Pour l’instant, nous n’avons qu’à montrer son rôle dans le dénouement de la crise savoyarde. Louis XIV avait en lui une juste confiance, et n’essayait point, comme avec d’autres il aimait à le faire, de lui dicter de loin des ordres : « Je ne puis vous déterminer, lui écrivait-il au moment de sa nomination, sur les affaires d’Italie comme je pourrois faire sur celles de Flandres. Vous devés prendre sur vous une partie des entreprises que vous faites. Je vous ay choisi pour commander mon armée par la grande confiance que j’ay en vous, et par la connoissance que j’ay de votre expérience qui me donne lieu de croire que vous ne risquerés rien mal à propos et que vous prendrés toujours les bons partis, et tout ce que je vous dirai dans la suitte, à moins que je ne vous donne des ordres précis, ne doit vous empescher d’exécuter vos projets, lorsque vous les croirés bons et que vous pourrés espérer de les rendre utiles pour le bien de mon service, et la gloire de mes armes[1]. » Vendôme ne se montra point indigne de cette confiance. Le prince Eugène trouva en lui un digne rival. A Santa-Vittoria, à Luzzara, il rétablit la renommée des armées françaises que la dernière campagne avait obscurcie, et, si celle de 1703 fut moins brillante, il tint cependant les Impériaux en respect. Ses lettres sont aussi précises et laconiques que celles de Villeroy sont confuses et verbeuses[2]. Au lieu de se livrer aux récriminations, il se montre sobre d’appréciations sur le compte des hommes. Personnellement il eut peu à faire avec le duc de Savoie, qui ne prit aucune part aux deux campagnes de 1702 et 1703, Mais il partageait à son endroit la défiance générale. « Votre Majesté sait, écrivait-il, à Louis XIV, si je suis disposé à me porter garand de la bonne foy de M. de Savoye[3]. » Louis XIV ne cessait du reste de lui recommander la méfiance.

  1. Dépôt de la Guerre, Italie, 1528. — Le Roi à Vendôme, 4 mars 1702.
  2. La correspondance de Vendôme se trouve partie en original au Dépôt de la Guerre, partie en copie à la Bibliothèque nationale (Manuscrits Français). Nous détachons d’une lettre à Louis XIV ce passage qui donnera une idée de leur ton. Il s’agit de quelques prêtres que Vendôme avait fait arréter sous la prévention d’espionnage et dont le Pape réclamait la mise en liberté : « Je ferai moi-même tout ce qu’il faudra pour réhabiliter leur mémoire, répondait Vendôme, moyennant que Votre Majesté trouve bon qu’on commence d’abord par les pendre. » Dépôt de la Guerre, Italie, 1592, novembre 1702.
  3. Bibliothèque nationale. Manuscrits français 14177.