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quelque chose d’agitateur comme toute dissolution, et qui eût donné au décret libéral un caractère radical et presque révolutionnaire qu’il ne convenait pas de lui attribuer. La session s’ouvrit donc régulièrement (4 février 1861).

Morny expliqua les divers changemens réglementaires, conséquences du décret : les six secrétaires élus au lieu d’être nommés ; une discussion sommaire en comité secret sur les projets de loi avant le renvoi au bureau ; le nombre des bureaux augmenté de sept à neuf, avec l’interdiction à chaque député de faire partie de plus de deux commissions ; un compte rendu rédigé pendant la séance sous la responsabilité du président pour être communiqué aux journaux ; la possibilité d’amender une loi en discussion afin que la Chambre ne soit plus placée à l’avenir entre un acte insensé et une soumission regrettable ; tout amendement signé par cinq membres admis à la discussion (ce chiffre évidemment visait à nous permettre d’user du droit nouveau). Pour ne pas offusquer les députés par un appareil officiel, désormais les commissaires du gouvernement n’assisteraient plus en uniforme aux séances.

Ces commentaires se terminaient par une déclaration franchement libérale. « Deux fois une main puissante a relevé l’édifice, mais c’est la première fois que cette main s’ouvre, de son plein gré, au milieu du calme et de la paix, pour rendre au pays une partie des droits dont celui-ci a fait un salutaire abandon. La liberté politique est le couronnement de toute société civilisée, elle grandit la nation et le citoyen, il est de notre honneur d’en favoriser la durée et le développement, mais elle ne s’implantera définitivement qu’avec l’ordre et la sécurité. »

Baroche déposa sur le bureau de la Chambre un exposé de la situation de l’Empire et les principaux documens diplomatiques de l’année 1860, fait inusité qui, à lui seul, était une innovation considérable. Ensuite on procéda à l’élection des secrétaires. Pendant le dépouillement du scrutin, j’étais assis auprès de Valette, le secrétaire de la Présidence ; Picard causait avec nous, accoudé sur la balustrade. Morny, qui montait au bureau, s’avance et nous tend la main. — « Vous nous avez fait, lui dis-je, monsieur le Président, un bon discours ; c’est un correctif au rapport de Troplong. — Que voulez-vous ? Troplong est un brave homme, mais ce n’est pas un homme politique ; à propos de tout, il parle des Grecs et des Romains ; d’ailleurs, il s’exprimait au nom de la