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débats des Assemblées représentatives. » Débarrasser la parole des orateurs des bandelettes qui les garrottaient, leur permettre d’arriver à la foule en leur vibrante vérité, c’est aussi le signe le moins équivoque du retour au régime de la liberté. Le décret, non seulement rétablissait la reproduction intégrale des débats, mais l’assurait par un double compte rendu officiel, l’un sténographique, l’autre analytique, contre les déloyautés de parti.

Le droit d’adresse accordait un moyen de plus, quoique non le meilleur, de discuter et de juger la politique du gouvernement.

La discussion secrète en comités avant la réunion des bureaux, reproduction imparfaite des comités anglais, conduisait à une extension du droit d’amendement.

L’institution de ministres sans portefeuille était une ébauche de responsabilité ministérielle.

La plupart de ces droits avaient été exercés en fait par les Cinq, aidés de quelques indépendans, dans la session décisive de 1860. La reproduction intégrale des débats : ils l’avaient presque obtenue, en imposant un compte rendu indirect beaucoup plus étendu et plus exact. — Une plus grande latitude au droit d’amendement : par leur obstruction sur le projet du chemin de fer de Graissessac, ils avaient rendu cette réforme impossible à éluder. — La permission d’exprimer dans une Adresse leur pensée sur la politique extérieure et intérieure : ils ne l’avaient pas attendue, ils l’avaient prise ; et ils avaient discuté la loi de sûreté générale, la guerre d’Italie, la législation de la presse, les candidatures officielles, le traité de commerce, la spécialité financière. — La présence des ministres sans portefeuille à la Chambre : ils avaient, par leurs interpellations incessantes sur les actes des ministres absens, rendu nécessaire ou leur présence ou celle des défenseurs d’office.

Toutefois, les Cinq n’avaient exercé la liberté parlementaire presque entière que grâce à la complicité de Morny ; il eût pu leur fermer la bouche, déchaîner contre eux la majorité, rendre leurs efforts vains. Mais un successeur pouvait n’avoir pas le libéralisme dont ils avaient si bien profité et leur retirer ce qui n’était qu’une tolérance. Désormais, on était à l’abri d’un tel retour ; l’usurpation devenait un droit reconnu. Là était l’importance capitale du Décret.

Aucune pression ne forçait l’Empereur à ces réformes. Elles n’étaient pas l’expédient suprême d’un pouvoir agonisant, essayant de se sauver, par la lâcheté des concessions, d’une chute que ces