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la rehausser par tout ce qui pouvait en augmenter la pompe et le prestige. On sait que l’empereur Guillaume, sans parler de ses autres habiletés, est un metteur en scène de premier ordre. Il a été le grand organisateur de ces fêtes ; il en a été l’orateur ; il n’a rien négligé de ce qui devait, lorsqu’elles seraient terminées, en perpétuer longtemps le souvenir dans la mémoire et dans l’imagination de ses peuples. Nous ne croyons pas qu’il y ait dans le monde un autre prince qui, avant de monter sur le trône, ait été l’objet de démonstrations aussi flatteuses que le jeune Kronprinz. L’Allemagne a pris à ces réjouissances la part qui lui appartenait, et il y a eu à Berlin un déploiement d’enthousiasme approprié aux circonstances : cependant, il semble bien que les fêtes ont conservé un caractère officiel, que le protocole y a régné en maître, et que tout enfin s’est principalement passé entre princes, rois et empereurs. Il en était venu de tous les points de l’Europe. On n’avait pas vu depuis longtemps une assemblée aussi brillante. Mais, dans le nombre de tant d’augustes ou d’illustres amis qui avaient répondu à l’appel de l’empereur allemand, un d’eux attirait surtout l’attention générale, et nous n’avons pas besoin de dire que c’était François-Joseph. Sa présence suffisait à donner un caractère presque touchant à ces fêtes qui, sans elle, auraient été, malgré tout, un peu banales.

François-Joseph est aujourd’hui le doyen, et de beaucoup, des souverains de l’Europe continentale. C’est seulement en Angleterre que le trône est occupé depuis de plus longues années encore par une souveraine plus âgée que lui, non moins aimée de ses peuples, non moins respectée de l’univers entier. La reine Victoria est l’arrière-grand’mère du Kronprinz ; mais on ne pouvait pas espérer qu’elle se rendrait à la célébration de sa majorité. Le voyage qu’elle vient de faire en Irlande est une épreuve suffisante pour ses forces. Le prince de Galles, non plus, n’est pas allé à Berlin : la famille royale d’Angleterre était représentée par le duc d’York. Quant à la famille royale d’Italie, on sait qu’elle l’était par le prince de Naples. Nous avons déjà parlé de l’impression pénible qu’on a éprouvée à Rome et dans toute la péninsule de ce que le roi Humbert n’eût pas été invité. Cette émotion a persisté en partie, si on en juge par les journaux qui ont rendu compte avec convenance des fêtes de Berlin, mais sans y mettre cet accent cordial avec lequel on avait l’habitude en Italie de parler des choses et des hommes d’Allemagne. Les détails des fêtes ont été soigneusement reproduits, mais on les a entourés de commentaires un peu secs. Évidemment, la mauvaise humeur première n’est pas encore