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devenir tout guilleret. Les étudians s’en aperçoivent, ils se moquent du professeur, et Faust est forcé de quitter la ville. Pendant ce temps les anges, dans le ciel, tiennent des thés où assiste aussi Méphistophélès ; et c’est là qu’on délibère sur la destinée de Faust. Dieu reste en dehors de l’affaire. Le diable fait un pari avec les anges au sujet de Faust. Méphistophélès aime fort les bons anges ; et Heine se propose de représenter son affection pour eux, mais surtout pour l’archange Gabriel, comme quelque chose d’intermédiaire entre l’amitié et l’amour sexuel, puisque les anges n’ont point de sexe. Les thés des anges se poursuivent, d’ailleurs, tout au long de la pièce.


Une telle façon de concevoir la « contre-partie » du Faust de Goethe ne serait-elle pas pour confirmer l’opinion de ceux qui ne veulent voir en Henri Heine qu’un poète comique et un mystificateur ? Hélas ! je dois avouer que cette opinion se trouve confirmée par tous les documens publiés, jusqu’ici, sur la personne et l’œuvre de l’auteur d’Atta Troll. On peut dire, au reste, de tous ces documens, ce que disait naguère des lettres de Heine le plus érudit et le plus autorisé des critiques heinéens, M. Ernest Elster, dans un remarquable article de la Deutsche Rundschau : « il y a des écrivains dont les lettres, quand on les publie, sont plus faites pour leur nuire que pour les servir... Et à cette catégorie d’écrivains appartient Henri Heine. Ses lettres ne nous apprennent rien de sa vie intérieure, de ses croyances, de la source et de l’objet de son inspiration : et l’on y trouve, en échange, tant de querelles et tant d’injures, tant de provocations à de misérables intrigues de presse, tant de plaintes sur le manque d’argent et la maladie, que maintes de ces lettres seraient d’une lecture tout à fait pénible, si sans cesse de brillans ou piquans traits d’esprit ne venaient y rappeler, sous les faiblesses de l’homme, le génie de l’écrivain. »

Cette opinion de M. Elster ne l’empêche pas, cependant, de nous offrir de temps à autre une nouvelle série de lettres de Heine. Nous lui devons, notamment, d’avoir pu lire une lettre écrite par Heine, de Munich, à un chevalier d’industrie nommé Johannes Wit, et où le poète se met à la disposition de cet aventurier pour l’aider dans une entreprise de véritable chantage, ne demandant, comme récompense, qu’one décoration pour lui-même et un tonneau de vin pour un de ses amis. Mais plus fâcheuses encore que la publication de ses lettres sont, pour la mémoire de Heine, des apologies du genre de celle que vient de faire paraître un autre érudit allemand, M. Karpeles, sous la forme d’un luxueux volume tout rempli d’images et de fac-similés. Car avec les meilleures intentions du monde, et précisément parce qu’il s’efforce trop de nous prouver que Heine n’a pas été tout à fait dépourvu