embaumées. Tout cela, par cette calme journée d’août, est d’une grâce incomparable. Les écueils eux-mêmes font penser à des Néréides qui fendraient l’eau d’un geste charmant. Mais, à la force, à la vitesse des courans qui veinent de leurs marbrures entrecroisées la chatoyante surface du Golfe, on ne laisse pas de pressentir de quelles violences soudaines il est capable, pour peu qu’un caprice des élémens réveille les formidables puissances de destruction endormies dans ses profondeurs. Il n’est pas un de ces champs d’ondes lisses, pas un de ces larges miroirs rayonnans qui ne recouvre quelque cimetière de barques mortes et d’équipages sombres. On me montre du doigt une toison d’écume blanche frisottant sur l’eau bleue, presque à l’entrée du goulet, et l’on me dit :
— C’est le « Mouton ! »
Ne vous fiez pas à ce nom idyllique. Il a dévoré des milliers d’existences humaines, cet agneau, et l’on cite encore des formules d’incantation que les Arzonnaises lui adressaient, comme à une espèce de licorne sanguinaire, pour conjurer ses maléfices.
Devant Locmariaker, nous stoppons. C’est le moins que nous allions saluer dans la lande où il gît, séparé en quatre tronçons, le patriarche des mégalithes, le roi foudroyé des menhirs. Mais l’accostage est loin d’être facile. Locmariaker, en effet, obstrué par les vases, ne devient un port accessible qu’à marée haute.
— Vous saisissez ici une preuve, entre mille, de l’incurie que je vous signalais, nous fait observer M. Le Beau.
Et certes, il serait fort simple et, somme toute, peu coûteux d’ouvrir dans cette bourbe un chenal navigable jusqu’au môle. L’étonnant, c’est qu’on ne s’en soit pas encore avisé et qu’on laisse péricliter un havre, autrefois sans égal dans l’histoire de nos fastes maritimes, s’il est vrai, comme l’affirment les archéologues, que l’antique Dariorigum s’éleva sur ses bords et qu’il fut témoin du formidable choc des prames vénètes contre les vaisseaux latins... Nous finissons, quant à nous, par y atterrir dans des « plates, » non sans avoir failli nous échouer plus d’une fois. Et, naturellement, c’est par le nom de César que nous sommes accueillis. Son ombre plane sur toute cette contrée. Du haut de cette butte, il surveilla, plein d’angoisses, les péripéties du combat ; vainqueur, il se reposa de ses appréhensions et de ses fatigues, sous la table de ce dolmen. Cette fillette en haillons, qui paît son troupeau dans la dune, vous parle de lui comme si elle