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Encore qu’un tel acte honoré de bonheur
Eût besoin de trouver un superbe sonneur,
Qui d’un bruit héroïque eût enflé les trompettes.
Si est-ce que la voix des plus braves poètes
De peur fut enrouée, et le vent de leur sein
Ne sortit pour enfler la trompette d’airain.
Chacun craignant sa vie en saison si douteuse !


Et, après cela, pour tout dire, si l’on veut que le charme de Marie Stuart ait retenu et fixé Ronsard dans les liens des Guises et dans le parti de la Cour, on ne verra sans doute rien là qui ne convienne à un poète et à un artiste. Car, à qui pardonnerait-on d’avoir confondu la vérité avec la beauté ?

Ce qu’il est encore plus vrai de dire, — et qui ne convient pas moins au poète des Odes et des Hymnes, — c’est qu’il a eu peur du puritanisme dont les doctrines des réformés menaçaient les mœurs françaises. Il ne s’est pas expliqué très clairement sur ce point ; et, à bien y songer, ce n’en était pas le lieu, dans ses Discours sur les Misères de ce temps. S’il arrive aux lois mêmes de se taire parmi le tumulte des armes, à plus forte raison n’est-ce point alors le moment de déplorer « la retraite des Muses. » Mais il est permis de la regretter, dans son cœur ! Et que Ronsard l’ait regrettée, comme aussi les plaisirs de Cour dont s’accompagnait la présence de la « docte troupe, » c’est ce que nous montrent quelques vers de la pièce du Bocage Royal que nous avons jointe aux Discours. Catherine de Médicis parcourait alors la France, avec le jeune Charles IX et le duc d’Alençon, et le poète la suppliait de mettre un terme à cette longue absence pour enfin rentrer dans « sa Tuilerie au bâtiment superbe, »ou dans quelqu’un de ses châteaux royaux :


Quand verrons-nous


s’écriait-il,


quelque tournoi nouveau.
Quand verrons-nous, par tout Fontainebleau,
De chambre en chambre aller les mascarades ?
Quand ouïrons-nous au matin les aubades
De divers luths mariés à la voix,
Et les cornets, les fifres, les hautbois,
Les tambourins, violons, épinettes,
Sonner ensemble avecque les trompettes ?
Quand verrons-nous comme balles voler
Par artifice un grand feu dedans l’air ?