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Et saint Paul en preschant n’avait pour toutes armes
Sinon l’humilité, les jeûnes et les larmes ;
Et les Pères martyrs, aux plus dures saisons
Des tyrans, ne s’armaient sinon que d’oraisons.


Nous avons souligné dans ce passage l’hémistiche : N’obéir plus aux Rois. Pour bien entendre quelle était alors toute la force de cette raison, il ne faudrait que se reporter au passage de l’Institution chrétienne où Calvin a éloquemment paraphrasé, commenté, défendu la parole : Omnis potestas a Deo. On sait d’ailleurs que l’Institution n’a été expressément composée, dans l’origine, que pour mettre les réformés à l’abri de tout reproche de rébellion contre l’autorité du prince. Mais quelques ennemis de Ronsard ne s’en sont pas moins emparés de son « royalisme » ou de son « loyalisme, » pour transformer le poète en courtisan, pis encore, en client besoigneux ou intéressé des Guises ; et ainsi n’imputer l’ardeur de son catholicisme qu’à des motifs assez bas. C’est la bonne foi qu’on a vue briller de tout temps dans toutes les polémiques, et il n’y a pas lieu de s’en étonner ! Je me bornerai donc à faire observer que Ronsard ne devait pas moins, — et il en est lui-même convenu dans ses Discours des Misères de ce temps, — aux Châtillon, le cardinal et l’amiral, et à Condé, qu’aux Guises.


Prince très magnanime et courtois de nature,


dit-il à Condé, sur la fin de la Remontrance au peuple de France,


Ne soyez offensé voyant cette écriture !
Je vous honore et prise, et êtes le Seigneur
Auquel j’ai désiré plus de biens et d’honneurs
Comme votre sujet, ayant pris ma naissance.
Où le Roi votre frère[1] avait toute puissance ;
Mais l’amour du pays, et de ses lois aussi,
Et de la vérité, me fait parler ainsi.


J’ajouterai qu’une des causes qui ont le plus contribué à la prolongation des guerres civiles du siècle a été la longue indécision de Catherine de Médicis entre catholiques et protestans. Personne, en 1564, ne pouvait savoir de quel côté finirait par pencher la balance. Cinq ans plus tard, on ne le discernait pas encore très clairement ; et Ronsard lui-même donnait cette explication de s’être trouvé presque seul à célébrer Moncontour :

  1. Antoine de Bourbon, roi de Navarre et duc de Vendôme. On a vu que Ronsard s’honorait d’être Vendomois.