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Vous devriez pour le moins, avant que nous troubler,
Être ensemble d’accord sans vous désassembler :
Car Christ n’est pas un Dieu de noise ni discorde.
Christ n’est que charité, qu’amour et que concorde,
Et montrez clairement par la division
Que Dieu n’est pas l’auteur de votre opinion.


Encore une fois, ce sont là des raisons, des raisons de controversiste et de théologien, non de poète, et ne conviendra-t-on pas qu’elles méritaient d’être mises ou remises en lumière ? La question de savoir si, et dans quelle mesure, un Marot, un Rabelais, une Marguerite de Navarre ont incliné vers le protestantisme a suscité toute une « littérature ; » et je saisis ici l’occasion de le dire, l’esprit de parti les a faits tous trois, dans nos histoires, beaucoup plus «protestans » qu’ils ne furent. Ronsard, lui, ne s’est pas caché d’être « catholique », et il en a su, il en a dit clairement les raisons. C’est ce que je montrerais plus amplement encore, si je ne craignais de multiplier les citations. Il a voulu s’expliquer sur « la justification par la foi, » et il a voulu s’expliquer sur la « présence réelle : »


Le soir que tu donnais à ta suite ton corps.
………………….
Tu as dit simplement, d’un parler net et franc :
Prenant le pain et vin : C’EST CY MON CORPS ET SANG,
Non signe de mon corps : toutefois ces ministres.
Ces nouveaux défroqués, apostats et bélistres
Démentent ton parler, disent que tu rêvais.
Et que tu n’entendais les mots que tu disais...


En vérité, de tous les argumens qui vont pendant cent cinquante ans défrayer la controverse, on peut dire, non seulement que Ronsard n’en a laissé échapper pas un, mais de plus, que tous ou presque tous, il les a, dans ses vers, ramenés et réduits à ce qu’ils avaient d’essentiel. Telle est encore l’opposition qu’il établit, et sur laquelle il revient à cinq ou six reprises, entre les doctrines « pacifiques » de la réforme, et la conduite « belliqueuse » ou « séditieuse » des réformés.


Eh quoi ! brûler maisons, piller et brigander,
Tuer, assassiner, en force commander,
N’obéir plus aux Rois, amasser des armées.
Appelez-vous cela Églises réformées ?
JÉSUS, que seulement vous confessez ici
De bouche et non de cœur, ne faisait pas ainsi ;