Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est dans cet ordre que toutes les éditions donnent ces trois pièces, mais il se pourrait, néanmoins, que la troisième fût la première en date, et antérieure au commencement des guerres de religion. Je la placerais volontiers en 1561, c’est-à-dire au lendemain même de l’avènement de Charles IX. La seconde est certainement postérieure au massacre de Vassy (mars 1562). Et la Continuation du Discours, si du moins on peut s’autoriser d’un vers où il est question de ces pistolets protestans, « qui tirent par derrière, » doit avoir suivi de très près l’assassinat du duc de Guise par Poltrot de Méré (février 1563).

Réponse de P. de Ronsard aux injures et calomnies de je ne sais quels prédicans, et ministres de Genève.

Ronsard, dans le précédent Discours, ne s’était exprimé, on le verra tout à l’heure, qu’en termes assez généraux, et on lui avait répondu, selon l’usage, en incriminant grossièrement ses mœurs et sa vie. On lui avait aussi reproché sa surdité. Un de ses disciples naguère les plus aimés, Jacques Grévin, — auteur d’un Jules César qui est l’une de nos premières tragédies classiques, — s’était particulièrement signalé par la violence de son invective, et. dans une pièce intitulée le Temple de Ronsard, il avait feint un « temple » dont les murs étaient ornés de tableaux représentant les « vices » du poète. Il s’était adjoint, pour cette belle entreprise, un certain Florent Chrestien, et M. Lenient, tout heureux et tout aise, nous dit à ce propos : « On devine tout ce que la malice et la passion pouvaient inspirer à deux hommes d’esprit. » Non ! on « ne le devine pas ! » Mais, quand on essaie de s’en rendre compte, on trouve qu’elles ne leur ont rien inspiré que d’impossible à transcrire honnêtement[1]. La Réponse aux injures et aux calomnies, etc, — dont le titre est devenu dans les éditions ultérieures : Réponse à quelque ministre, — est la réplique éloquente et indignée de Ronsard aux grossièretés de Grévin. Elle est datée de 1563, et elle est très longue, ne comptant guère moins de douze cents vers. Je ne crois pas que nulle part ailleurs Ronsard ait plus magnifiquement ni plus orgueilleusement parlé de lui-même, et du rôle qu’il avait déjà conscience alors d’avoir joué dans l’histoire littéraire de son temps. « Tu ne le peux nier, dit-il à son détracteur :

  1. Sur la part de Grévin dans ce poème, voyez un livre récent : Jacques Grévin, par M. Lucien Pinvert, Paris, 1899, Fontemoing.