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« Avant tout, vous devrez vous préoccuper d’éviter, autant que possible, l’envoi de troupes d’Europe. Seuls, les cadres seront obligatoirement empruntés à la métropole et en nombre suffisant, au début surtout, pour imposer le respect aux nouvelles recrues indigènes.

« La préoccupation de constituer des corps de troupes indigènes ne doit pas être exclusive, dans votre esprit, de celle de former des forces de police, des milices analogues à celles de l’Indo-Chine et qui seront mises à la disposition des résidens pour réduire le brigandage. Je vous prie d’apporter tous vos soins à favoriser le développement de ces milices qui, peu à peu, avec le temps, suffiront, quand la civilisation aura pris le dessus dans la grande île, pour y faire régner le calme indispensable aux entreprises de colonisation.

« Comme commandant supérieur des troupes à Madagascar, vous voudrez bien encore donner des instructions précises à tous vos subordonnés relativement à la conduite qu’ils auront à tenir dans leurs rapports avec les indigènes. La pacification du pays dépendra en grande partie du tact qu’ils sauront montrer dans ces rapports en évitant de heurter de front les préjugés, les croyances des autochtones dans toutes leurs manifestations, le culte des morts entre autres. D’après certains avis qui me sont parvenus, l’affaire de X..., qui aurait pu tourner en désastre, si la milice n’avait pas réintégré au moment voulu ses quartiers, n’aurait pas d’autre origine réelle que la violation de quelques tombeaux indigènes détruits pour faire place à une route en construction.

« Vous avez trop l’expérience des guerres coloniales pour que je croie utile d’insister sur la prudence qu’il convient d’apporter, afin de hâter la pacification, dans la répression des actes de rébellion. L’incendie des villages, les rigueurs exercées en masse contre des populations souvent plus coupables par ignorance que par véritable haine de l’étranger, à moins que les nécessités des opérations militaires ou des circonstances spéciales n’y obligent nos troupes, sont à éviter, en dehors de toutes les considérations d’humanité qui s’imposent, si nous voulons utiliser notre conquête. La mise en valeur de ce pays, qui a déjà tant coûté à la France, ne peut être retardée ; le rétablissement du bon ordre dans les régions les plus favorables au développement des entreprises européennes donnera aux colons la sécurité qui leur manque actuellement et permettra à l’administration de procéder au