les débiteurs insolvables forcés à travailler pour leurs créanciers ; elle admit l’esprit général des mesures de transition préconisées par le ministre ; elle reconnut qu’une abolition immédiate, intégrale, qui ne serait point accompagnée de diverses précautions, aurait le grave inconvénient de jeter inopinément dans la misère les femmes, enfans et vieillards jusqu’alors nourris et assistés par leurs maîtres, et de précipiter dans le vagabondage le demi-million d’adultes astreints au travail ; elle ajourna donc les propositions Cochin et de Mahy jusqu’à plus ample informé.
De son côté, la commission chargée d’examiner le projet relatif à l’annexion de Madagascar, qui avait eu incidemment à considérer le même problème, conclut, par l’organe de son rapporteur, M. Le Myre de Vilers, que le gouvernement restait maître absolu de son action. Sans doute, disait-elle, le fait de déclarer Madagascar colonie française y rendra applicable le décret-loi du 3 mars 1848 sur l’abolition de l’esclavage. « Mais, ajoutait-elle aussitôt, la loi ne saurait être rendue exécutoire à Madagascar du jour au lendemain, sans mesures préparatoires, sur de vastes territoires plus étendus que la France, où notre autorité ne s’exerce pas, où même les explorateurs n’ont pas encore pénétré. En agissant avec trop de précipitation, nous compliquerions singulièrement la lourde tâche de la pacification et du rétablissement de la sécurité. Que deviendraient les enfans, les vieillards, les infirmes, s’ils ne trouvaient plus un abri dans la maison de leur maître ? Du reste, le législateur de 1848, malgré toutes les ardeurs de la lutte parlementaire engagée devant l’Assemblée nationale, prescrivait des délais et laissait au gouvernement le soin de fixer la date de promulgation. Nous pensons que la même prudence devra présider à la grande réforme que nous poursuivons et que, tout en s’efforçant d’arriver le plus rapidement possible à l’affranchissement des esclaves, à la suppression de cette plaie sociale, il sera rationnel de procéder par étapes successives dans les différentes tribus. »
La prudence avait triomphé dans les délibérations paisibles et secrètes des commissions où les hommes politiques, mis en contact presque direct avec les réalités pratiques, sont accessibles au raisonnement et susceptibles de pondération. Elle ne résista pas, on séance publique, à un assaut combiné des visées humanitaires et des ardeurs anti-ministérielles. Le 20 juin, quelques paroles vibrantes de MM. Jaurès et Deproge emportèrent, comme un vent