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et nos traditions nationales exigent que l’esclavage disparaisse d’une terre soumise à l’influence française. La France ne va pas seulement à Madagascar pour y faire respecter ses droits, mais aussi pour y faire acte de puissance civilisatrice... Il est évident cependant qu’à l’heure présente, en raison même des obscurités de la situation actuelle, nous ne pouvons que poser en principe l’abolition de l’esclavage, en nous réservant le choix du moment et des voies et moyens. Rien ne s’oppose, d’ailleurs, à ce que nous mettions dès maintenant à l’étude l’adoption de certaines mesures propres à amener la suppression graduelle de l’esclavage, telles que l’interdiction de la vente des esclaves, la faculté pour les esclaves de se racheter, la proclamation de la liberté en faveur des enfans qui naîtront à l’avenir des femmes esclaves, etc. »

Ces lignes étaient écrites au début de l’expédition de 1895, alors que le gouvernement s’en tenait encore à la stricte conception du protectorat. La substitution de la « prise de possession » au protectorat, celle de ministres radicaux à des ministres modérés, ne modifièrent point la pensée directrice : « Dans la mesure où les mœurs, les usages, et les nécessités locales le permettront, recommandait M. Guieysse à M. Bourde en janvier 1896, vous vous efforcerez de rapprocher la législation malgache de la législation française. Vous vous donnerez notamment pour tâche de préparer l’extinction de l’esclavage, mais en prenant à cet égard les mesures de transition nécessaires. Vous aurez pourtant de suite à examiner les dispositions à prendre pour arrêter toute vente d’esclaves, le gouvernement français ne pouvant, en dehors des principes toujours proclamés par lui en cette matière, accepter de trouver des ressources budgétaires dans le prix d’enregistrement des actes de ventes d’esclaves. Vous examinerez aussi les mesures compensatrices à me proposer pour arriver, tant à la libération des enfans d’esclaves au moment de leur naissance, qu’à la faculté de rachat des esclaves en général. En raison de l’importance des intérêts privés engagés dans la question, il vous est recommandé de procéder avec beaucoup de prudence et de ne point provoquer de troubles par des mesures prématurées. Vous trouverez peut-être la solution d’une partie du problème dans une faculté de rachat accordée aux esclaves à un tarif fixé par une loi. L’emploi de la corvée à des travaux agricoles, dont les produits seront partagés entre les prestataires et le gouvernement,