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avoir eu pour effet de décourager le zèle des rebelles. » Quant aux causes profondes de ce mouvement inopiné, on restait dans le doute : « Certains l’attribuent à l’hostilité du gouvernement, qui serait complice des révoltés. Je ne puis partager cette opinion, qu’aucun fait précis ne vient appuyer... Avec plus d’apparence de raison, on pourrait supposer que la rébellion est due aux agissemens de la famille de l’ex-premier ministre... » Mais M. Ranchot en voyait surtout l’origine dans les excitations de la presse anglo-malgache qui avaient représenté les troupes françaises comme venues pour le pillage, le viol, l’établissement du service militaire, l’aggravation de la corvée et des impôts, etc. « En quelques mois, ajoutait-il en terminant, une région qui a été évangélisée d’une façon ininterrompue depuis trente-cinq ans, et qui était couverte de temples, d’églises, et d’écoles, est revenue au culte des idoles. A la première occasion favorable, les excès que nous avons à regretter se sont produits. Et, dans ces circonstances, les premières victimes ont été ces mêmes Anglais qui ont propagé ou laissé propager les excitations dirigées spécialement contre nous. »

Il n’était pas inutile de relater en détail ce premier accident de la pacification, car, dans tous ceux de genre analogue qui se reproduisirent durant les mois suivans, les mêmes symptômes se retrouvèrent, la même impuissance dans les moyens de répression employés et aussi les mêmes mobiles. Néanmoins, comme la répétition tarda à venir, on n’y attacha que très peu d’importance tant à Tananarive qu’à Paris. Le général Duchesne n’en quitta pas moins Madagascar à l’heure dite, laissant au général de brigade Voyron le commandement du reliquat de l’ancien corps d’expédition. A Paris, non seulement on ne modifia rien ni à l’organisation créée, ni aux instructions données, mais, comme si l’on craignait que la résidence générale se laissât trop impressionner par le contact immédiat des événemens, on lui recommanda surtout, le 3 mars, d’« éviter les exécutions trop nombreuses. » M. Laroche n’avait d’ailleurs aucune tendance à se laisser aller à de pareils méfaits : outre que tout d’abord il n’attribua aucun « caractère politique » aux actes de (c brigandage » qui lui étaient signalés, et qu’il proclamait volontiers que « l’autorité française était entourée de prestige et respectée partout[1], » il était plutôt

  1. 1er et 16 mars 1896.