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un désastre pour l’armée de Korsakof. Le même jour, sur la Linth, Hotze était tué, et ses troupes, sous l’effort de Soult, reculaient en désordre.

L’effet dans le public fut grand. Paris ressentit pour la première fois depuis longtemps une émotion saine. Quelques signes d’enthousiasme se manifestèrent dans la foule. Aux amis sincères de la Révolution, l’avenir apparaît un peu moins noir ; une espérance, une fierté rentre en eux ; il est donc vrai que la république peut se sauver encore par ses vertus militaires, par l’intrépidité de ses soldats et le talent de ses capitaines.

Les jours suivans, comme si l’exploit de Masséna avait rompu la malchance, des bulletins réconfortans arrivent sans discontinuer : il en vient de toutes parts ; de quelque côté que l’on regarde, l’horizon s’éclaircit. En Suisse, Souvorof a débouché du Gothard, mais s’est trouvé en face de Masséna vainqueur ; il s’est heurté à Molitor dans des combats de géans ; contenu, poursuivi, traqué, il erre maintenant dans un chaos de montagnes, aux prises avec une meurtrière nature. Paris haletant suit les détails de cette agonie. Les transmissions télégraphiques, incomplètes, interrompues souvent par l’état de l’atmosphère, suscitent d’anxieux espoirs. Un jour, le bruit se répand que la perte totale de Souvorof est assurée ; la nouvelle est aussitôt démentie ; pourtant les journaux publient ce tronçon de dépêche, attribué à Masséna : « Il se défend comme un dogue, mais je le tiens. » La vérité est que Souvorof lutte en désespéré et finira par échapper : il sauvera six mille hommes sur vingt-quatre mille, un débris d’armée, et l’Helvétie sera tout de même le tombeau de sa gloire. En Hollande, le succès de Bergen apparaît plus important qu’on ne l’a cru d’abord ; Brune prend définitivement l’avantage. Sur le Rhin, les Impériaux se sont éloignés de Mayence. La délivrance des frontières soulage d’autant plus Paris qu’elle ôte aux revendications des partis extrêmes beaucoup de leur force ; en frappant sur l’ennemi du dehors à coups redoublés, nos généraux ont indirectement battu les Jacobins.

Et la série continue : le 13, un messager du Directoire est introduit dans le conseil des Cinq-Cents : « Victoire ! » crie-t-on à sa vue. Un secrétaire lit le message, qui débute ainsi : « Le Directoire exécutif vous transmet copie d’une dépêche qu’il vient de recevoir du général Bonaparte... » À ces mots, un tonnerre d’acclamations interrompt le lecteur. Il reprend sa communication :